Je suis un Yad Vashem*
Je suis
un Yad Vashem.
Mes doigts sont de sang et de cendres.
Des noms sont inscrits sur ma paume.
Je suis
un Yad Vashem.
J’ai mangé le feu,
bu de la fumée.
Je suis mort à Auschwitz.
Je suis
un Yad Vashem
J’ai dormi sur les ossements.
Je suis resté sans yeux.
Je suis mort à Treblinka.
Je suis
un Yad Vashem.
Le sang était ma couverture.
On m’a écorché vif.
Je suis mort à Buchenwald.
Je suis
un Yad Vashem.
J’ai creusé ma tombe de mes larmes,
de mon cri érigé ma croix.
Je suis mort à Dachau.
Je suis
un Yad Vashem.
Mes doigts sont de sang et de cendres.
Des noms sont inscrits sur ma paume.
Je suis
un Yad Vashem.
Tout ce que je possédais
a été annéanti.
Je suis mort à Bergen – Belsen.
Je suis
un Yad Vashem.
Dépossédée de mon nom
j’ai perdu la parole.
Je suis morte à Ravensbrück.
Je suis
un Yad Vashem.
Où j’ai séjourné
je l’ignore.
Je sais seulement que je suis mort.
Je suis
un Yad Vashem.
Les cieux se sont écroulés,
On m’a enfermé dans les ténèbres éternelles.
Je suis mort à Jublin.
Je suis
un Yad Vashem.
On m’a ouvert le ventre
Et tué le fruit de mes entrailles.
Je suis morte à Janesovack.
Je suis
un Yad Vashem.
Des roues noires et ensanglantées
m’ont ballottée de-ci de-là.
On m’a transformée en cendre et fumée.
Je suis
un Yad Vashem.
Mon cœur était rrom.
C’est le Rom en moi qu’on a tué.
Je suis
un Yad Vashem.
Mes doigts sont de sang et de cendres.
Des noms sont inscrits sur ma paume.
Je suis
un Yad Vashem.
Tant que la planète tournera,
la fumée s’élèvera entre terre et ciel.
Je suis
un Yad Vashem.
Tant que le soleil brillera au firmament
le Yad Vashem vivra.
Je suis
un Yad Vashem.
Tant que Dieu sera Dieu
on n’oubliera pas Auschwitz.
Traduit du serbo – croate par Mireille Robin
In revue « Hopala, N°14, juillet – octobre 2003.
* Yad Vashem est, à Jérusalem, le nom du Mémorial pour la perpétuation
de la mémoire des victimes juives de l’Holocauste. Littéralement, Yad Vashem
signifie : un monument et un nom (cf. Isaïe, 56, 5 « Je donnerai dans ma maison
et dans mes murs un monument et un nom »