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Le bar à poèmes
18 octobre 2023

François Villon (1431 – 1463) : Ballade de la grosse Margot

media[1]Affiche du film "François Villon "d'André Swobada (1945)

 

Ballade de la grosse Margot

 

Se j'aime et sers la belle de bon hait *.                       *  de bonne humeur    

M'en devez-vous tenir à vil ne sot ?

Elle a en soi des biens à fin souhait.

Pour son amour ceins bouclier et passot * ;              * dague

Quand viennent gens, je cours et happe un pot,

Au vin m'en vois, sans démener grand bruit ;

Je leur tends eau, fromage, pain et fruit.

S'ils payent bien, je leur dis : « bene stat * ;            * c’est bien

Retournez ci, quand vous serez en ruit *,                * en rut

En ce bordeau * où tenons notre état. "                * bordel

 



Mais adoncques il y a grand déhait *                        * mauvaise humeur

Quand sans argent s'en vient coucher Margot ;

Voir ne la puis, mon coeur à mort la hait.

Sa robe prends, demi ceint * et surcot * *,                * ceinture, ** robe

Si lui jure qu'il tendra pour l'écot *                            * qu’ils tiendront lieu d’écot 

Par les côtés se prend : « c’est Antéchrist ! »                        

Prie, et jure par la mort Jésus-Christ

Que non fera. Lors empoigne un éclat * ;               * éclat de bois   

Dessus son nez lui en fais un écrit,

En ce bordeau où tenons notre état.

 


Puis paix se fait, et me fait un gros pet,

Plus enflé qu'un vlimeux escarbot *.                          * venimeux bousier

Riant, m'assied son poing sur mon sommet *,         * tête

Gogo * me dit, et me fiert le jambot **.                   * va !   ** la cuisse

Tous deux ivres, dormons comme un sabot.

Et au réveil, quand le ventre lui bruit,

Monte sur moi, que ne gâte son fruit.

Sous elle geins, plus qu'un ais me fait plat,

De paillarder tout elle me détruit,

En ce bordeau où tenons notre état.

 


Vente, grêle, gèle, j'ai mon pain cuit.

Ie suis paillard, la paillarde me suit.

Lequel vaut mieux ? Chacun bien s'entresuit *.          * s’égale

L'un l'autre vaut ; c'est à mau rat mau chat.

Ordure aimons, ordure nous assuit * ;                       * échoit     

Nous défuyons honneur, il nous défuit,

En ce bordeau où tenons notre état.

 

 

Poésies complètes

Edition établie, présentée et annotée par Robert Guiette

Editions Gallimard et Librairie Générale Française, 1964

Du même auteur :

Ballade des pendus (18/10/2015)

Le testament (I à XLI) (18/10/2016)

Le débat du cœur et du corps de Villon (18/10/2017)

Ballade des Dames du temps jadis (18/10/2018)

Les regrets de la belle heaumière (18/10/2019)

Ballade du concours de Blois (18/10/2020)

Epitre à mes amis (18/10/2021)

Ballade de la belle heaumière aux filles de joie (18/10/2022)

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