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Le bar à poèmes
18 avril 2021

Cesare Pavese (1908 – 1950) : Eté – Eté 1 / Estate – Estate I

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Eté

 

Il est un jardin clair, herbe sèche et lumière,

entouré de murets, qui réchauffe sa terre

doucement. Lumière qui évoque la mer.

Tu respires cette herbe. Tu touches tes cheveux

et tu en fais jaillir le souvenir.

 

                                                   J’ai vu

bien des fruits doux tomber sourdement sur une herbe

familière. Ainsi tressailles-tu toi aussi

quand ton sang se convulse. Ta tête se meut

comme si tout autour un prodige impalpable avait lieu

et c’es toi le prodige. Dans tes yeux,

dans l’ardent souvenir, la saveur est la même.

 

                                                                            Tu écoutes

Les mots que tu écoutes t’effleurent à peine.

Il y a sur ton calme visage une pensée limpide

qui suggère à tes épaules la lumière de la mer.

Il y a sur ton visage un silence qui oppresse

le cœur, sourdement, et distille une douleur antique

comme le suc des fruits tombés en ce temps-là.

 

Traduit de l’italien par Gilles de Van

In, Cesare Pavese : « Travailler fatigue. La mort viendra

et elle aura tes yeux ».

Editions Gallimard, 1969

Eté

 

Clôturé de murs bats, il est un jardin clair,

D’herbe sèche et lumière, qui mitonne

Sa terre. C’est une clarté au goût de la mer.

Cette herbe, toi, tu la humes, Tu touches tes cheveux

Et tu en secoues un souvenir.

                                                J’ai vu choir

Avec un bruit étouffé, sur un garçon que je connais,

De nombreux fruits qui étaient doux. C’est ainsi

Que tu tressailles, toi aussi, au sursaut de ton sang.

Tu hoches la tête comme si autour de toi

Se produisait un prodige aérien,

Mais le prodige c’est toi. Dans tes yeux

Et dans ton souvenir il y a une pareille saveur.

Tu écoutes.

                     Les paroles que tu écoutent te touchant à peine,

Sur ton visage calme tu as une pensée claire

Que ta clarté de la mer façonne derrière toi.

Tu as sur le visage un silence qui oppresse le cœur

Avec un bruit sourd, et il en suinte un vieux chagrin

Comme le jus des fruits qui viennent de choir.

 

Traduit de l’italien par Sicca Vernier

in, « Poètes d’Italie. Anthologie, des origines à nos jours »

Editions de la Table Ronde, 1999

 

Eté I

 

La femme aux yeux mi-clos et au corps recueilli

est apparue à nouveau, elle marchait dans la rue.

Regardant fixement, elle a tendu la main

dans la rue immobile. Et tout a resurgi.

 

Dans la lumière immobile du jour lointain

le souvenir s’est brisé. La femme a relevé

son front simple, et le regard d’alors

est apparu à nouveau. La main s’est tendue vers la main

et l’étreinte angoissée était celle d’alors.

Le regard recueilli et la bouche mi-close

ont redonné aux choses des couleurs de la vie.

 

L’angoisse a resurgi depuis ces jours lointains

lorsque tout un été immobile, aux couleurs

et aux ferveurs soudaines, naissait sous le regard

de ces yeux tranquilles. L’angoisse a resurgi

que nulle douceur de lèvres décloses

ne peut apaiser. Un ciel immobile

s’instaure froidement dans ces yeux.

 

                                                    Le souvenir était calme

sous la lumière tranquille du temps, docile moribond

dont déjà la fenêtre s’embrume et s’efface.

Le souvenir s’est brisé. L’étreinte angoissée

de la main légère a ravivé les couleurs,

les ferveurs et l’été sous le ciel éclatant.

Mais la bouche mi-close et les regards tranquilles

ne font vivre qu’un silence rigoureux, inhumain.

 

 

Traduit de l’italien par Gilles de Van

In, Cesare Pavese : « Travailler fatigue. La mort viendra

et elle aura tes yeux ».

Editions Gallimard, 1969

Du même auteur :

Paysage (18/04/2016)

La terre et la mort (18/04/2017)

 La mort viendra et elle aura tes yeux / Verrà la morte e avrà i tuoi occhi (18/04/2018)

Paysage VIII / Paesaggio VIII (18/04/2019)

Femmes passionnées / Donne appassionate (18/04/2020)

L’Etoile du matin / Lo steddazzu (05/10/2021)

Dépaysement / Gente Spaesata (18/04/2022)

Manie de solitude / Mania di solitudine (05/10/2022)

Le paradis sur les toits / Il paradiso sui tetti (18/04/2023)

 

Estate

 

C’è un giardino chiaro, fra mura basse,

di erba secca e di luce, che cuoce adagio

la sua terra. È una luce che sa di mare.

Tu respiri quell’erba. Tocchi i capelli

e ne scuoti il ricordo.

 

 

Ho veduto cadere

molti frutti, dolci, su un’erba che so,

con un tonfo. Così trasalisci tu pure

al sussulto del sangue. Tu muovi il capo

come intorno accadesse un prodigio d’aria

e il prodigio sei tu. C’è un sapore uguale

nei tuoi occhi e nel caldo ricordo.

 

 

 Ascolti.

La parole che ascolti ti toccano appena.

Hai nel viso calmo un pensiero chiaro

che ti finge alle spalle la luce del mare.

Hai nel viso un silenzio che preme il cuore

con un tonfo, e ne stilla una pena antica

come il succo dei frutti caduti allor

 

Lavorare Stanca

Enaudi editore, Turino (Italia),1943

 

Estate I

 

È riapparsa la donna dagli occhi socchiusi

e dal corpo raccolto, camminando per strada.

Ha guardato diritto tendendo la mano,

nell’immobile strada. Ogni cosa è riemersa.

 

Nell’immobile luce del giorno lontano

s’è spezzato il ricordo. La donna ha rialzato

la sua semplice fronte, e lo sguardo d’allora

è riapparso. La mano si è tesa alla mano

e la stretta angosciosa era quella d’allora.

Ogni cosa ha ripreso i colori e la vita

allo sguardo raccolto, alla bocca socchiusa.

 

 

È tornata l’angoscia dei giorni lontani

quando tutta un’immobile estate improvvisa

di colori e tepori emergeva, agli sguardi

di quegli occhi sommessi. È tornata l’angoscia

che nessuna dolcezza di labbra dischiuse

può lenire. Un immobile cielo s’accoglie

freddamente, in quegli occhi.



                                                         Era calmo il ricordo

alla luce sommessa del tempo, era un docile

moribondo cui già la finestra s’annebbia e scompare.

Si è spezzato il ricordo. La stretta angosciosa

della mano leggera ha riacceso i colori

e l’estate e i tepori sotto il vivido cielo.

Ma la bocca socchiusa e gli sguardi sommessi

non dan vita che a un duro inumano silenzio.

 

 

« Poésie del disamore e altre poesie disperse »

Einaudi, Torino, 1951

Poème précédent en italien :

Salvatore Quasimodo : Vent à Tyndaris / Vento a Tindari (15/04/2021)

Poème suivant en italien :

Giuseppe Ungaretti : San Martino Del Carso (13/05/2021)

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