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Le bar à poèmes
5 octobre 2023

Edith Azam (1973 -) : Bestiole-moi Pupille (1)

azam-c-edithazam[1]

 

Bestiole-moi Pupille

 

Pupille

L’autre ?

L’autre le Fou

bave jusque sur sa poitrine

Commotion cérébrale

Pupille

observe les trous.

Aucune nuance

du noir

du noir et tout au fond

ça grouille.

Les mandibules creusent

le Fou parfois gémit

se contorsionne

mouvements secs

caquette dans ses étranglements.

Parler

parler ça se déchire

et pas le moindre espace

pour déplacer les choses.

Toutes les intimités :

nous infirment.

 

 

Pupille

cette fois c’est la peur.

C’est toujours

on pourrait presque dire

toujours la première fois.

La peur :

ça nous expulse.

L’autre

le Fou

brisé

n’admet pas les brisures.

Ca cambre et ça fendille

Pupille voit la mort

et reconnait l’état

après l’état suicide.

Pupille ne dit :

rien.

Ne dit rien et le Fou

plaque ses mains au mur

puis appuiera la tête.

 

 

Pupille peur

peur tête éclate.

D’une façon comme d’une autre

personne n’y échappe.

A regarder les trous on n’y échappe pas.

Bestiole à l’intérieur çà bouffe.

Les yeux

ça mange le visage

ça attaque à la chair.

Bestiole couche dans Pupille.

Pupille voudrait la parole

Bestiole viole tout langage.

Il ne reste de sens :

que silence.

 

 

Le Deuxième Homme

dernière solution.

Tentative éventrée

et les silences

correspondent.

Le Fou

hagard

ricane et c’est...

diabolique.

Pupille perd.

Il y a une profondeur

Bestiole avance :

la suivre.

Il y a une profondeur exacte :

la rencontre :

Deuxième Homme.

 

 

Le rire du fou spiralise.

Spiraliser dresse des murs.

Mais dans le creux

le Deuxième Homme

et Bestiole fait flèche.

Pupille traversée

Pupille bestiolée

Pupille dans Pupille

et pour mieux s’éjecter.

Vivre :

c’est d’abord dans les os.

 

 

Le Fou ricane et puis approche

avec ses jambes de bois tordues.

S’immisce dans Pupille.

Le cœur ça claque sans rien dire

mais dans le face à face :

debout.

Ca claque à faire hurler Bestiole.

Alors les déferlantes

les mandibules frénétiques

et qui taillent et s’appliquent

à taillader aigu.

Quand les nerfs fouettent le silence :

ne pas fléchir.

C’est dans la chair que ça s’écrit

et dans la profondeur :

du vide.

 

 

Le Fou

Bestiole

Deuxième Homme.

Combien de meurtres impossibles ?

Pupille close

ne pense pas.

Le monde n’est plus à penser

il n’y a pas d’autres solutions.

Les mains à plat sur le visage

et Bestiole dedans recommence à grincer

faire craquer ses dents au bord du gouffre et...

solitude.

Cette alternance d’être en soi

d’être en soi de se fuir...

Il y a un risque

nul ne le dit

Juste Bestiole qui ne plie pas.

 

 

 

Avec la main suivre la pluie.

Le Fou

dans l’angle de la pièce

son rire...

Le deuxième homme

vitre :

à briser.

Ses yeux plantés dans Pupille.

Pupille au centre ne bouge plus

reste avec Bestiole sous peau

et ne veux rien céder mais...

cède.

Le rire :

aigu.

Vitre :

à briser.

Pupille qui voudrait s’exclure

mais ne sait pas faire autre chose

que regarder les trous

les absences béantes

les gueules métal-froid :

qui sauvagent.

 

 

 

Le Fou :

prunelles plantées sur Pupille

les yeux rongés trop électriques.

Bestiole s’agite en dessous.

C’est toujours avec précision

que l’incision fait fulgurance.

Pupille serre les mâchoires

ferme les yeux

ne parle pas.

A l’intérieur Bestiole gratte

mange la tête

creuse l’os.

Bestiole fouille :

Insupportable.

Pupille laisse faire.

Le Deuxième Homme reste droit

fléchit parfois la tête.

Vitre à briser toujours

et de l’autre côté

Pupille au centre :

bestiolée

fait du silence avec sa bouche

et la fabrique du désir.

 

 

Pupille c’est incontrôlable

voudrait simplement dire :

le dira plusieurs fois

plusieurs fois qu’elle l’aime

qu’elle l’attend depuis mille ans

que mille ans c’est si long

et qu’à force d’attendre

Bestiole a mangé la parole.

Et lui restera là

à la regarder immobile

pour ne pas que tout brûle

et parce qu’il n’y aura :

rien à dire.

Parfois

parfois la respiration

de l’un à l’autre ça existe

ça creuse exactement pareil

et dans un même appel.

 

 

Vingt-trois heures vin rouge :

fin rouge.

Bestiole ivre

déconstruit.

Pupille ne respire plus

apnée.

Le Fou dit maintenir l’équilibre

s’en va baisser les stores.

Deuxième Homme voudrait : ...

et puis changer de peau.

Pupille plonge dans Bestiole

et lapide le temps aussi bien que l’espace.

La fiction est ouverte.

Minuit pile

Pupille :

partie

loin

loin

loin.

 

 

Trois heure matin

Pupille somnambule

et traverse la pièce.

L’espace a disparu

l’espace s’apparaît

comme une paroi inventée.

Bestiole a creusé dans la tête

Pupille met du sable dedans.

Pour cinq minutes somnambuler

laisser Bestiole à sa grignote

et puis sous le ciel presque blanc :

avancer..

.........................................................

 

 

Bestiole-moi Pupille

Editions la tête à l’envers 58330 Crux la Ville, 2020

De la même autrice : Tout Tom tout seul (26/04/2022)

 

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