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Le bar à poèmes
6 juin 2023

Paul Dermée (1886 – 1951) : Festin

Paul-Dermee[1]

Festin

 

Ils ont tant canonné le Ciel que le voilà criblé de trous !

Il ne tardera pas à tomber.

 

A tâtons dans les ténèbres

On se chasse, une lame aux dents.

Des fous reniflent, l’haleine chaude.

Ou me cacher, dans quelle chapelle ?

          Chaque rencontre veut un mourant,

Les bouchons sautent comme des cervelles

Et l’orgie est soûle de sang.

- Baisse-toi vite

          Trop tard !!                             

                              Mon fils a l’éternité des cadavres

          Le voilà beau comme un héros !

 

Et ce carnage se poursuit depuis cent jours.

 

               J’ai mis ma main dans toutes les blessures

               Il y a tant de morts que j’en ai oublié le nombre.

               Toutes les infirmières sont tombées à la peine

               Et il n’y a pas assez de bois au monde

                   Pour leur faire à tous des bières.

 

Au ciel des Îles Anthropophages

Dieu a mis la Croix du Sud

Pour tous les morts sans tombeau.

Sans doute allons-nous voir naître bientôt

Quelque vaste constellation cruciale !

Nos morts ne sont pas enterrés.

Plus d’ennemis ! Leurs bouches mordent la terre !

Mes amis viennent... avec une arme derrière le dos.

Il faut bien vivre, allons !

                              Des cadavres nouveaux !

La dernière fille agonise sur le cadavre du dernier poète.

Plus un appel sous les étoiles.

 

Or, il fallait que cela fût.

 

Mais je ne veux pas qu’on voie jamais tout ce carnage !

Je vais monter sur le toit de la grange

Pour boucher les trous du ciel avec mes doigts.

Et le premier qui s’approche, je l’abats.

 

Revue « Nord – Sud, N°2, 15 Avril 1917

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