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Le bar à poèmes
20 février 2024

Daniel Morvan (1959 -) : Ecrire / Skriva

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Ecrire

(1985-1986)

                                                                            A E. Guillevic

 

Où reprendre le poème

Le poème si longtemps arrêté ?

Les mots d’aujourd’hui

Font écho à ceux d’hier

C’est toujours

Le même visage dans la glace

Inutile de falsifier ses papiers

Au travers des années

Il s’agit toujours

De s’aider à vivre.

 

Les mots vont là

Comme une coupe de fruits

Posée sur une table

Mais quel mirage

Me fait croire

A toute cette liesse ?

Puise à volonté

Sers-toi à ta guise

La nappe est toujours garnie

La coupe se remplit d’elle-même.

 

Ce sang qui coule dans les mots écrits

C’est le sang usé de tous les silences accumulés

Lorsqu’il nous a quittés

Nous reprenons vie

Jusqu’au prochain besoin d’écrire.

Voici les mots sur le papier

Autonomes définitivement étrangers à moi-même

Et du coup me restituent mieux mon image

Ce portrait que je vois n’est plus tout à fait moi

Il évolue avec la conscience que je prends de moi-même.

 

Les mots ne révèlent rien

Ils conduisent plus loin,

 

La plupart des choses enfouies

Parfois des bulles

Le trop-plein de rêves

Puis à nouveau le silence

Pour longtemps.

 

Les mots qui s’inscrivent

Représentent aussi bien

L’image de notre chaos intérieur

Que le pouvoir de l’ordonner.

S’agit-il des mêmes ?

 

Quand j’aurai bien fixé sur la page

Ce cœur mystérieux

J’essaierai de le comprendre

Lui qui n’a besoin

Que de paroles pour s’épanouir.

 

Contemplatif

Je me suis tu si longtemps

Que le silence a formé en moi

Des concrétions.

Dans le souci de clarté

Qui m’habite aujourd’hui

Règne le dégel de l’Oubli.

 

La mort est là qui abrège le dire

Poète nourris ton feu

Les mots pleuvent comme du bois sec

Derrière la fenêtre un paysage de neige

Ici ta solitude

Se consume sans brûler.

 

Mettre un mot sur chaque chose

Pour tout démasquer du sable.

 

C’est facile de dire « neige »

Dans le coeur de l’autre

Naissent tant de souvenirs

Mais c’est heureux

Comment alors rejoindre

Dans un lieu qui ne soit pas

Une référence commune ?

 

Le Temps, notre peau.

Alors se dépecer pour l’Eternité ?

Durer ? Non.

Brûler dans la splendeur du Cri.

 

Traduit du breton par l’auteur

Du même auteur : Nos greniers / Or halatreziou (20/02/2023)

 

 

Skriva

 

Peleh adkemer ar barzoneg

Ar barzoneg arzavet ken pell ?

Geriou an deiz a hirio

A ambroug re deh

Bepred ar memez dremm er melezour

Arabad falsa e baperiou

A-dreuz ar bloaveziou

Red eo bepred

En em zikour da veva.

 

Aze ema ar geriou

Evel eur hopad frouez

War eun daol

Med, petra a laka  ahanon

Da gredi en oll levenez-se ?

Kemer kement az-peus c’hoant

Arao e vez pourvezet an doubier

En em leunia a ra ar hop e-unan.

 

Ar gwad a ver er geriou skrivet

Gwad uzet an oll didrouzou an hini eo

Pa’z eo eet kuit diouzom

Beva a reom a-nevez

Beteg an ezomm skriva tosta.

 

Ar geriou ne ziskuillont netra

Ambroug a reont pelloh.

 

Peurvuia an traou enkevet

Klogorennou a-wechou

Dilerh an huñvreou

Goude an didrouz adarre

Evid pell

 

Ar geriou enskrivet

A zaolenn kenkoulz

Skeudenn or reustl diabarz

Hag ar galloud da gempenn anezañ

 

Hogen

Hag ar memez re int ?

 

Pa’m-bo merket mad war ar bajenn

Ar galon gevrinuz-se

Esea’rin da gomprenn anezi

Hi ha n’he-deuz ezomm

Nemed euz ar gomz evid en em zispaka

 

Tavet em-eus ken pell

Ken ez eus furmet ennon

Fetisaduriou.

Er brederi sklêrder

A zo ennon hirio

E ren diskorn an ankounah.

 

Ar maro a zo aze

Hag a ziver al lavar

Barz, maga an tan

Leñva ’ra  ar geriou

Evel koad seh

 

A-dreñv d’ar prenestr

Eur vro erh

Amañ da zigenvez

En em goaz heb devi.

 

Lakaad eur ger war bep tra

Evid diverka oll euz an trêz ;

 

Êz eo lavared « erh »

Genel’ra e kalon egile

Kemend a gouniou

Eun dra vad eo

Rag penaoz keja en-dro

En eul leh

Ha na vefe ker eur meneg boutin ?

 

An amzer ? Or hrohen

Neuze en em zivezia evid ar beurbadelez.

 

Padoud ? Ket

Devi e splannder ar youh.

 

L’oeuf de l’espoir / Vi ar spi

Emgleo Breiz, 29200 Brest, 2013

Poème précédent en breton :

Daniel Morvan : Nos greniers / Or halatreziou (20/02/2023)

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