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Le bar à poèmes
3 mai 2021

Arthur Rimbaud (1854 – 1891) : Première soirée

Rimbaud-as-a-young-man[1]

Première soirée

 

- Elle était fort déshabillée

Et de grands arbres indiscrets

Aux vitres jetaient leur feuillée

Malinement, tout près, tout près.

 

Assise sur ma grande chaise,

Mi-nue, elle joignait les mains.

Sur le plancher frissonnaient d’aise

Ses petits pieds si fins, si fins.

 

– Je regardai, couleur de cire

Un petit rayon buissonnier

Papillonner dans son sourire

Et sur son sein, – mouche ou rosier.

 

– Je baisai ses fines chevilles.

Elle eut un doux rire brutal

Qui s’égrenait en claires trilles,

Un joli rire de cristal.

 

Les petits pieds sous la chemise

Se sauvèrent : « Veux-tu en finir ! »

– La première audace permise,

Le rire feignait de punir !

 

– Pauvrets palpitants sous ma lèvre,

Je baisai doucement ses yeux :

– Elle jeta sa tête mièvre

En arrière : « Oh ! c’est encor mieux !...

 

Monsieur, j’ai deux mots à te dire… »

– Je lui jetai le reste au sein

Dans un baiser, qui la fit rire

D’un bon rire qui voulait bien…

 

– Elle était fort déshabillée

Et de grands arbres indiscrets

Aux vitres jetaient leur feuillée

Malinement, tout près, tout près.

 

Journal « La Charge, 13 août 1970 »

(sous le titre : « Trois baisers »)

Du même auteur :

Aube (08/05/2014)

Alchimie du verbe (03/05/2015)

Sensation (03/05/2016)

Ma bohème (03/05/2017)

Après le déluge (03/05/2018)

 Ophélie (03/05/2019)

Marine (03/05/2020)

Roman (03/05/2022)

Au Cabaret-vert (03/05/2023) 

Les effarés (03/05/2024)

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