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Le bar à poèmes
26 février 2017

Franck Venaille (1936 - 2018) : « Ainsi nous portons tous… »

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Ainsi nous portons tous un homme malade dans notre poitrine nous

le portons. Parfois lorsqu’il s’est trop longuement assoupi quelque

part c’est avec des gestes tendres que nous le ramenons à nous. On

l’allonge sur un lit de de fer. Il est blanc. Il porte le masque d’avant

la vie d’avant l’imitation de la vie. Pire : il nous crie qu’il n’a jamais

connu sa mère la gisante sous les tubes. Tous nous avons dans notre

poitrine l’homme que j’ai dit. Il se promène. Marche dans un couloir.

S’arrête devant chaque pièce où d’autres lits sont posés et ressemblent

à des. Comme sur un chemin de croix. Dans une colline peut-être. Quel

paysage nous annoncez-vous là ! Fenêtres basses. Echancrures molles.

Silhouettes qui glissent dans des chaussons d’enfants : peu amène tout

ceci ! Mais chacun porte en soi chacun le porte. Un jour c’est un paysage

abstrait avec des formes blanches qui s’accrochent au grillage. Dehors

il pleut. On est là allongé sur sa douleur nous connaissons ! On pose la

tête sur le carrelage. On. Attend. D’autres fois c’est le jour du grand deuil

avec de fortes plaisanteries des fous-rires intérieurs. Nervosité sans doute

nervosité décrite. Bien. J’avais connu cela autrefois avec des hommes

immenses qui pleuraient et toute la nuit criaient un nom de femme. Langue

étrangère. Excitation. Presque sous un tam-tam. Et d’autres hurlaient aussi :

innombrable n’est- ce-pas ce que le corps, parfois, avec ce deuil parcourant

l’assistance. Un jour c’est comme un drap que l’on relève d’un visage d’os

 et de rictus. Il nous en dit des choses avant de s’éloigner c’est comme le

premier jour du monde. Renfermement. On s’en acquitte.

Ici un corps dit pourtant l’indicible là-bas un autre s’empêtre dans son

Incohérence. Nocturne. Sauvage. Face et désharmonie. Dans nos poitrines

tous nous le portons. En bas, dans un seul tiroir, la lame est seul et froide.

 

Jack to Jack

Editions Luneau-Ascot,

Du même auteur :

« la tête contre la vitre… » (26/02/2016)

« Le marcheur d’eau… » (26/02/2018)

Cantos (07/09/2019)

« Et ne sachant pas vivre... » (16/09/2021) 

« Malade à en vomir des pierres... » (16/09/2022)

 C'était bon d'avoir trente ans... » (16/09/2023)

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