Wolfdietrich Schnurre (1920 – 1989) : Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (II)
Messages clandestins
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LE SOIR
Jaune tressaille le loriot
dans les perchis
du sommeil.
La colonne des moucherons
se rouille ;
le temple des hêtres
s’écroule.
En grande hâte
la pâle troupe
des pèlerins-champignons
se précipite sur
les grains de chapelet
de la rosée.
Le pivert noir
à coups de marteau fixe au chêne
le crépuscule.
STANCE
Quand le faucon
planta sa griffe dans la chair
de la colombe,
un plume tomba
sur la bouche du monde.
Elle resta suspendue, immobile,
aux lèvres desséchées
et attendit le souffle.
Il ne vint pas ;
ce fut le vent du soir
qui l’emporta.
LAC GRUNEWALD, LA NUIT
Décoloré le ruban du chemin ;
jaune, il luisait encore
il y a un instant.
Les pins, eux aussi, ont été
absorbés, effacés
par le buvard de la nuit.
Blotti dans la soie, dans la ouate
le cri des bêtes ;
seuls les rires
de l’autre côté du lac
volent encore sur les couteaux
TERRE DE CENDRES
Et de nouveau, gris et jaunes, s’élèvent
les nuages d’une poussière traversée d’ordres aboyés ;
les vautours de marbre se sont remis de leur chute
et s’étirent sur les estrades.
Les mille meurtres d’hirondelles restent inexpiés ;
le vent d’automne, qui cherchait le repentir, est venu en vain.
CHANSON EN L’HONNEUR D’AHASVERUS
Tu as frappé, Seigneur,
tu es tout trempé ;
les pluies de ce monde
ne te veulent pas de bien.
Je sais un toit ;
mais dans les combles
pourrit le bolet.
Tu as gémi, Seigneur,
tu es épuisé ;
les chiens de ce monde
ne te veulent pas de bien.
Je sais un lit ;
mais dans la balle
se cache une épine.
Tu as faim, Seigneur,
tu as déjà de la fièvre ;
les moulins de ce monde
ne te veulent pas de bien.
Je sais un pain ;
mais au cœur de la pâte
fermente la mort.
Tu as soif, Seigneur,
tu es desséché ;
les puits de ce monde
ne te veulent pas de bien.
Je sais un tonneau ;
mais tout au fond
suppure la haine.
J’ai honte, Seigneur :
je vis encore ;
les sbires de ce monde
me voulaient trop de bien.
Je sais un cœur
qui t’aurait accueilli
s’il n’était pas aussi
coupable.
MESSAGE CLANDESTIN
Je me refuse
à baiser les pieds du pouvoir ;
la terre a toujours baisé les miens.
Je me refuse
à exiger la mort de l’ennemi ;
Je ne suis pas un ennemi, je n’en ai point.
SERMENT
Et cependant :
quand de nouveau sur le gibet
sonneront les cages thoraciques de nos frères
dont l’elfe a dévoré les cœurs,
j’irai chercher aussi
mes ailes de vampire
dans le grenier,
puis je m’aiguiserai les griffes
et sortirai à la nouvelle lune
pour voler vers le château-fort,
où ils habitent,
les adorateurs de la mèche,
les seigneurs habillés de cuir.
Je saisirai la chevelure d’or
de leurs maîtresses
et je l’attacherai
aux chandeliers à sept branches de l’offense.
Et puis je sucerai leur sang,
sang de porc et sang de loup,
et je cracherai sur de la chaux,
où il deviendra écriture
et formera le mot.
Non pas : impassibilité.
Non pas : intolérance.
Vengeance.
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Traduit de l’allemand par Raoul Bécousse
In, Wolfdietrich Schnurre « Messages clandestins,
et nouveaux poèmes »
Editions Noah, 1986
Du même auteur :
Adoration /Anbetung (28/11/2014)
Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (I) (28/11/2015)
Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (III) (28/11/2017)
Harangue du policier de banlieue pendant sa ronde du matin /Ansprache des vorortpolizisten waehrend der morgenrunde (28/11/2018)
Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (IV) (28/11/2019)
Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (III) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (III) (28/11/2020)
Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (I) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (I) (28/11/2021)
Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (II) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (II) (28/11/2022)
Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (IV) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (IV) (28/11/2023)
Kassiber
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ABENS
Gelb zuckt der Pirol
ins Gestänge
des Schlafs.
Die Mückensäule
wir rostig ;
der Buchentempel
zerfällt.
Hastig stürzt sich
die bleiche
Pilzpilgerschar
auf die
Rozenkranzperlen
des Taus.
An die Eiche
hämmert der Schwarzspecht
die Dämmerung fest.
STROPHE
Als der Falke
der Taube
die Fänge ins Fleisch schlug,
sank eine Feder
der Welt auf den Mund.
Reglos hing sie
an den dörrenden Lippen
und harrte des Atems.
Er kam nicht ; es
war der Abendwind,
der sie fortnahm.
GRUNEWALDSEE NACHTS
Verwaschen das Wegband ;
gelb hat es
noch eben geleuchtet.
Die Kiefern, auch sie
aufgesogen, verwischt
vom Löschblatt der Nacht.
In Seide, in Watte
der Tierruf ;
nur das Gelächter
jenseits der Sees
fliegt noch auf Messern.
ASCHENLAND
Und wieder branden grau und gelb
die Wolken auf befehlsdurchbellten Staubs ;
die Marmogeier haben sich von ihrem Sturz erholt
und recker sich auf den Podesten.
Die tausend Schwalbenmorde bleiben ungesühnt ;
der Herbstwind, der die Reue suchte, kam umsonst.
LIED, AUF AHASVER ZU SINGEN
Du klopftest, Herr,
du bich durchnässt ;
die Regen dieser Welt
sie wollen dir nicht wohl.
Ich weiss ein Dach ;
doch hoch am First,
da fault der Schwamm.
Du ächztest, Herr,
du bist erschöpft ;
die Hunde dieser Welt,
sie wollen dir nicht wohl.
Ich weiss ein Bett ;
doch in der Spreu,
da steckt ein Dorn.
Dich hungert, Herr,
du fieberst schon ;
die Mühlen dieser Welt,
sie wollen dir nicht wohl.
Ich weiss ein Brot ;
doch tief +im Teig,
du gärt der Tod.
Dich dürsted, Herr,
du bist verdorrt ;
die Brunnen dieser Welt,
sie wollen dir nicht wohl.
Ich weiss ein Fass ;
doch ganz am Grund,
da schwärt der Hass.
Ich schäm mich, Herr,
ich lebe noch ;
die Schergen dieser Welt,
sie wollten mir zu wohl.
Ich weiss ein, Herz,
das liess dich ein,
wärs nich so voll
von Schuld.
KASSIBER
Ich weigere mich,
den Schuh der Macht zu küssen;
die Erde küsste stets den meinen.
Ich weigere mich,
den Tod des Feinds zu müssen;
ich bin kein Feind, ich habe keinen.
SCHWUR
Und doch :
Wenn wieder am Galgen
die Brustkörbe läuten der Brüder,
deren Herzen der Alb ass,
werde auch ich
meine Vampirschwingen
vom Dachboden holen,
die Krallen mir schärfen
und ausziehn bei Neumond
und fliegen zu Burg,
wo sie wohnen,
die Stirnlockenanbeter,
die Herren aus Leder.
Und ihren Mätressen ins Goldhaar
werde ich fahren
und es festbinden am
siebenarmingen Leuchter der Schuld.
Und Blut werde ich saugen,
Schweinsblut und Wolfsblut
und es speien auf Kalk,
wo es zu Schrift wird,
wo es das Wort formt.
Nicht : Gleichmut.
Nicht : Toleranz.
Rache.
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Kassiber und neue Gedichte,
Ullstein Buch, Berlin, 1979 et 1982
Poème précédent en allemand :
Rainer – Maria Rilke : Soir en Scanie / Abend in Skåne (23/11/2016)
Poème suivant en allemand :
Paul Celan : Matière de Bretagne (01/12/2016)