04 juillet 2017

René Daumal (1908 – 1944) : La seule

    La seule   Je connais déjà ta saveur, je connais l’odeur de ta main, maîtresse de la peur, maîtresse de la fin.   J’ai touché déjà tes os à travers la chair sans âge pétrie d’insectes millénaires et de calices de fleurs futures.   J’ai dormi depuis les déluges, j’ai dormi au fond de toi, sur ton épaule, j’ai dormi sans nom – ta poitrine n’a pas changé, l’air de la vie n’a plus le nerf de m’éveiller – ne me nomme jamais, ne me réveille pas ; tes poumons immobiles ont désappris aux... [Lire la suite]
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04 juillet 2017

Anna Akhmatova ) / Анна Ахматова (1889 – 1966) : Solitude / Уединение

  Solitude   On m’a jeté tant de pierres, Que plus aucune ne m’effraie, Le piège s’est fait haute tour, Haute parmi les hautes tours. Je remercie ceux qui l’ont construite, Qu’ils cessent de s’inquiéter, de s’attrister. De tous les côtés je vois l’aube plus tôt. Et le dernier rayon du soleil triomphe ici. Souvent dans les fenêtres de mes chambres Entrent les vents des mers du nord, Et le pigeon mange dans mes mains du grain… Cette page que je n’ai pas finie, La main brune de la Muse, Divinement calme et... [Lire la suite]
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03 juillet 2017

Philippe Jaccottet (1925 - 2021) : Parler

  Parler 1 Parler est facile, et tracer des mots sur la page, en règle générale, est risquer peu de chose : un ouvrage de dentellière, calfeutré, paisible (on a pu même demander à la bougie une clarté plus douce, plus trompeuse), tous les mots sont écrits de la même encre, « fleur » et « peur » par exemple sont presque pareils, et j’aurai beau répéter « sang » du haut en bas de la page, elle n’en sera pas tachée, ni moi blessé.   Aussi arrive-t-il qu’on prenne ce jeu en... [Lire la suite]
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02 juillet 2017

Izet Sarajlic (1930 - 2002 ) : Soeurs

  Sœurs   Celles d’Essénine s’appelaient Choura et Katia. Celles de Maïakovski se nommaient Ludmilla et Olia.   Les miennes avaient pour nom Nina et Raza.   Elles sont toutes mortes.   Nina et Raza sont décédées à cinquante jours d’intervalle.   Sont-elles mortes ou bien ont-elles été tuées sans balles ?   Il me faut me mettre en quête d’une nouvelle sœur.   Car il m’est impossible de ne plus être le frère d’une femme.     Traduit du serbo-croate par... [Lire la suite]
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01 juillet 2017

Emily Jane Brontë (1818 – 1848 ) : « Mon plus grand bonheur… » / “I’m happiest whan most away…”

  Mon plus grand bonheur, c'est qu'au loin Mon âme fuie sa demeure d'argile, Par une nuit qu'il vente, que la lune est claire, Que l’œil peut parcourir des mondes de lumière —   Que je ne suis plus, qu'il n'est rien — Terre ni mer ni ciel sans nuages — Hormis un esprit en voyage Dans l'immensité infinie.   Traduit de l’anglais par Pierre Leyris, In, Emily Bronte : Poèmes (1836 – 1846) Editions Gallimard, 1963       Ah, la joie éperdue de pouvoir m’en aller Et d’arracher... [Lire la suite]
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29 juin 2017

Mérédith Le Dez (1973 -) : Pièces pour un piano

  Pièces pour un piano A Régis, en écoutant Eric Satie   I Haie sans après roses effeuillées pour quelle mise en pièces   L’automne à reculons d’elles demeure la ronce la rouillure honteuse avant la gangrène   L’humide rampe et tombe cette cape de glu sur les épaules - la faillite des enlisements   Mais au carreau tremble un rai de lumière   II Dans la découpe de la fenêtre grandit un jour de grisaille   La maison écartelée vers le dehors trop d’ombre dans ses tempes... [Lire la suite]
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23 juin 2017

Johann Wolfgang von Goethe (1749 – 1832) : Chant de tempête du voyageur / Wanderers Sturmlied

  Chant de tempête du voyageur   Celui que tu n’abandonnes pas, Génie, Ni la pluie ni la tempête Ne souffleront la frayeur en ton cœur. Celui que tu n’abandonnes pas, Génie, A la nuée d’averse, A la bourrasque de grêle Opposera sa chanson, Comme l’alouette, Ô toi, tout là-haut.   Celui que tu n’abandonnes pas, Génie, Tu le soulèveras au-dessus du sentier fangeux Avec les ailes de feu. Il passera Comme, marchant sur des fleurs Sur le déluge boueux de Deucalion Et tuant Python, léger, grand, Pythius... [Lire la suite]
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21 juin 2017

Hélène Cadou (1922 – 2014) : Ilarie Voronca…

  Ilarie Voronca…   Ilarie Voronca Comment pourrais-je avouer ce que je vous dois ? Des soirs tristes comme une lanterne au bord de la ville Une amitié plus légère qu’un fantôme d’île Patmos aperçue dans la brume (Etait-ce le séjour des poètes Etais-ce le navire heureux Où Dante s’embarqua pour retrouver Béatrice ?) Ilarie Voronca vous êtes une longue route oubliée Un frère que je n’ai pas connu et qui m’arrive Tel un arbre perdu Une fenêtre ouverte au plus noir de l’exil Vous nous avez précédés... [Lire la suite]
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21 juin 2017

Yosa Buson / 与謝 蕪村 (1716-1783) : « Mes os mêmes… »

  Mes os mêmes sentent les couvertures – nuit glacée   Traduit du japonais par Roger Munier In, « Haïkus des quatre saisons » Editions du Seuil, 2010   Du même auteur : « Par ici, par là… » (21/06/2016) « Rien d’autre aujourd’hui... » (21/06/2018) « Braises… » (21/06/2019) « Cheminant par…» (21/06/2020)  « Le halo de la lune... » (21/06/2021) « Soir d’automne... » (21/06/2022)
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20 juin 2017

Fernando Pessoa (1888 – 1935) : Le Gardeur de troupeaux / O Guardador de rebanhos (I -X)

  Le gardeur de troupeaux  I  Jamais je n’ai gardé de troupeaux, Mais c’est tout comme si j’en  gardais. Mon âme est semblable à un pasteur, elle connait le vent et le soleil et elle va la main dans la main avec les Saisons, suivant sa route et l’œil ouvert. Toute la paix d’une Nature dépeuplée auprès de moi vient s’asseoir. Mais je suis triste ainsi qu’un coucher de soleil est triste selon notre imagination, quand le temps fraîchit au fond de la plaine et que l’on sent la... [Lire la suite]
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