José-Carlos-Becerra-440x425[1]

 

Isaïe 33

 

Malheur à toi qui saccages

et jamais ne fut saccagé.

Tu as savouré la soif et la faim d’autrui,

tu as offusqué et tu as brisé.

Ainsi as-tu entendu le bruit de tes pas : en marchant

comme si tu écrasais des insectes.

 

Tu t’es bâti une demeure bien confortable

à l’étage le plus élevé de ton idée du monde.

Dieu habitait tes taches de rousseur, ta bonne santé,

ton placard bien pourvu de réponses à tout.

 

Ta bouche s’est complu dans ton discours à autrui,

mais tu ne voyais que tes yeux bleus

et tes cheveux blonds comme les blés :

tu nous avais aussi imposé ta beauté.

 

Mais tu ne peux plus revenir en arrière, tu t’es vidé

sur la tête la corne d’abondance du monde.

Et voici que ta volonté se fait de moins en moins ferme,

dans ta volonté rampent de petits asticots.

Tes bottes glisseront poisseuses de sang.

 

Attila,

là où tu passes

fleurissent les morts pour te combattre.

Remember Vietnam.

                                       Remember

 

                                                                      ( Décembre 1969)

 

 

Traduit de l’espagnol par Bruno Grégoire et Jean-François Hatchondo

In, Revue « La barque dans l’arbre, N°6, Hiver 2022-2023 »

Editions La Barque, 35000 Rennes, 2023