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Le bar à poèmes
17 mars 2023

Thibaud de Champagne (1201 – 1253) : « De tous les maux nul n’est plaisant... » / « De touz maus n’est nus plesanz... »

Theobald_I_of_Navarre_2[1]Miniature du XIIIème siècle.

 

 

De tous les maux nul n’est plaisant

Fors seulement celui d’aimer ;

Mais celui-ci est doux, poignant,

Et délicieux à la pensée,

Et sait si bien réconforter,

Et de grands biens il contient tant

Que nul ne s’en doit délivrer.

 

Aux bons amis obéissant,

Je veux ma dame saluer.

Je ne puis pas être dolent,

Lorsque j’entends d’elle parler ;

Tant me plaît me la rappeler

Que de tous maux m’est un garant

Le souvenir de sa beauté.

 

Amour, lorsque vous m’avez mis

Attaché en votre prison,

J’aurai mieux aimé être occis

Que d’en obtenir la rançon.

Pareil mal est bien sans raison,

Qui me plaît plus quand me fait pis,

Dont jamais ne veux guérir.

 

Tout ce qui vous paraîtrait bon

Me semblerait, dame, raison.

Car votre amour m’a bien surpris,

Et votre plaisante façon,

Et les beautés qui à foison

Resplendissent en votre visage

Et de vos pieds à votre tête.

 

Si de vous je pouvais avoir,

Dame, un peu plus beau semblant,

Je ne saurais jamais vouloir

Mander à Dieu faveur si grand ;

Car de la joie j’en aurais tant

Que tous autres hommes, pour vrai,

Seraient auprès de moi dolents.

 

Dame, à qui tout mon bien append,

Sachez que quand je vous puis voir,

Aucun n’a si joyeux tourment.

 

 

 

Traduction de René Bray

In, France Igly : « Troubadours et trouvères »

Pierre Seghers, 1960

Du même auteur :

« Je pensais me séparer... » / « Je me cuidoie partir... » (17/03/2022)

« Douce dame, toute autre pensée... » (17/03/2024)

 

 


De touz maus n’est nus plesanz

Fors seulement cil d’amer,

Mès cil est douz et poignanz

Et deliteus a penser

Et tant set biau conforter,

Et de granz biens i a tanz

Que nus ne s’en doit oster.

 


Fins amis obedianz,

Vueil a ma dame encliner.

Je ne puis estre dolanz,

Quant je oi de li parler ;

Tant me plest a remenbrer,

Que de touz maus m’est garanz

Sa biauté a recorde

 

 Amors, quant vous m’avez mis

Lïé en vostre prison,

Melz ameroie estre ocis

Que g’eüsse raençon.

Tels maus est bien sanz reson

 Qui me plest, quant me fet pis,

Ne ja n’en qier garison.

 


Quanque il vous est a vis,

Dame, me senble reson ;

Si m’a vostre amor sorpris

Et vostre plesant façon,

Et biautez a tel foison

Qui resplent en vostre vis

Et dès les piez jusqu’en son.



Se de vos peüsse avoir,

Dame, un pou plus biau senblant,

Je ne savroie voloir

Querre Dieu merci si grant,

Que de joie avroie tant

Que tuit autre honme, pour voir,

Seroient vers moi dolent 

 


Dame, ou touz mes biens atent,

Sachiez, quant vous puis veoir,

Nus n’a si joieus torment.

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