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Le bar à poèmes
14 février 2023

Gabriela Mistral (1889 - 1957) : Pays de l’absence / País de la ausencia

gabriela-mistral[1]

 

Pays de l’absence

à Ribeiro Couto

 

Pays de l’absence,

étrange pays,

plus léger qu’un ange

et signe subtil,

couleur algue morte,

couleur faucon gris,

âgé de toujours,

sans âge qui rie.

 

Ne donne grenade,

ne nourrit jasmin,

et n’a ni cieux

ni mers d’indigo.

Et son nom, son nom,

jamais n’entendis

en pays sans nom

je m’en vais mourir.

 

Nul pont, nulle barque

me mena ici.

On ne m’en dit rien

comme île ou pays.

Je ne le cherchais

ni le découvris.

 

Il semble une fable

que j’avais apprise

Un rêve à saisir

et à laisser fuir.

Et c’est ma patrie

où vivre et mourir.

 

Il m’est né de choses

qui ne sont pays :

de patries, de patries

que j’eus et perdis ;

et des créatures

que je vis mourir ;

de ce qui fut mien

et de moi s’en fut.

 

Perdues cordillères

où j’avais dormi ;

perdus vergers d’or

suaves pour vivre ;

perdues pour moi, îles

de joncs, d’indigo,

et toutes leurs ombres

ai vu m’entourer

jointes et amantes

se faire pays.

 

Crinières de brumes

sans dos et sans nuque,

souffles endormis

les ai vus me suivre,

en années errantes

devenir pays.

en pays sans nom

je m’en vais mourir.

 

Traduit de l’espagnol par Irène Gayraud

In, Gabriela Mistral : « Essart »

Editions Unes, 2021

De la même autrice :Toutes nous allions être reines / Todas íbamos a ser reinas (14/02/2024)

 

País de la ausencia

 

País de la ausencia

extraño país,

más ligero que ángel

y seña sutil,

color de alga muerta,

color de neblí,

con edad de siempre,

sin edad feliz.

 

No echa granada,

no cría jazmín,

y no tiene cielos

ni mares de añil.

Nombre suyo, nombre,

nunca se lo oí,

y en país sin nombre

me voy a morir.

 

Ni puente ni barca

me trajo hasta aquí,

no me lo contaron

por isla o país.

Yo no lo buscaba

ni lo descubrí.

 

Parece una fábula

que yo me aprendí,

sueño de tomar

y de desasir.

Y es mi patria donde

vivir y morir.

 

Me nació de cosas

que no son país;

de patrias y patrias

que tuve y perdí;

de las criaturas

que yo vi morir;

de lo que era mío

y se fue de mí.

 

Perdí cordilleras

en donde dormí;

perdí huertos de oro

dulces de vivir;

perdí yo las islas

de caña y añil,

y las sombras de ellos

me las vi ceñir

y juntas y amantes

hacerse país.

 

Guedejas de nieblas

sin dorso y cerviz,

alientos dormidos

me los vi seguir,

y en años errantes

volverse país,

y en país sin nombre

me voy a morir.

 

Tala

Ediciones Sur, Buenos Aires,1938

Poème précédent en espagnol :

Octavio Paz : La vie tout simplement / La vida sencilla (10/02/23)

Poème suivant en espagnol :

José Ángel Valente : Patrie, dont je ne connais pas le nom / Patria, cuyo nombre no sé (28/02/2023)

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