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Le bar à poèmes
8 février 2023

Eugenio Montale (1896 -1981) : « Côtes de Ligurie... » / « Riviere... »

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Côtes de Ligurie

Des estocs de glaïeuls

Penchés sur la falaise

A pic sur la mer en délire,

Ou deux camélias pâles

Dans les jardins déserts,

Un eucalyptus blond, baigné dans la lumière

Striée de vols déments

Et de bruissements :

Rien que cela suffit, et me voilà captif

D’invisibles fils qui se lovent et me piègent,

Moi, papillon dans une toile d’araignée

D’oliviers frémissants, de tournesols voyeurs.

 

Côtes de Ligurie

Qu’il est doux aujourd’hui de se laisser piéger

Pour peu que l’on consente à revivre les jeux

De son enfance, jeux qu’on ne peut oublier.

Je me souviens du philtre amer que vous offrîtes,

Ô rivages de mon pays

A cet adolescent éperdu que j’étais ;

Dans les matins clairs ciel et coteaux se mêlaient,

Sur la grève un ressac énorme, un rythme égal

De frémissantes vies, un monde fiévreux

Et toute chose en soi semblant se consumer.

Oh, ballotés alors

Comme l’os de la seiche à la merci des flots !

Pouvoir s’évanouir peu à peu, devenir

Un galet que la mort polit, un arbre rugueux !

Fondre dans les couleurs d’un coucher de soleil !

Voir sa chair disparaître et renaître eau de source

Qui jaillisse, enivrée, dévorée de soleil...

 

Oui, c’était dans mes vœux,

Ô rivage de mon pays : voeux d’un enfant

D’autrefois, appuyé à la balustrade

Lépreuse, d’un enfant lentement se mourant

Avec un doux sourire.

 

Rivages de la mer, vos lumières glacées

Ont un puissant langage

Pour celui qui, le cœur déchiré, vous fuyait,

Ondes lamées que révèle une déchirure

De mouvantes ramures ;

Rochers noirs, éclaboussés d’écume et d’embruns...

Martinets vagabonds dont le vol monte en flèches...

 

Ah, je pouvais un jour,

Ô mon pays natal, regarder ta beauté

Et lui trouver un air vaguement funéraire,

Cadre à dorures pour l’agonie de tout être,

 

Je reviens aujourd’hui

Vers toi, pays natal,

 

Plus fort ou je me trompe, encor que mon cœur ait l’air

De fondre dans d’heureux souvenirs – et atroces.

 

Mon âme d’autrefois

Triste et toi, volonté nouvelle qui m’appelles,

Peut-être est-il temps de vous unir tous deux

Dans un havre de paix et de sagesse. Un jour,

Tu entendras encor l’invite de voix d’or,

De leurres audacieux,

Ô mon âme jamais plus écartelée. Songe :

Qu’il est beau de changer en hymne l’élégie !

Se refaire ; ne plus jamais faillir !

 

Oh, puissé-je,

A la semblance de ces branches

Squelettiques et nues hier, et aujourd’hui

Gorgées de sève et frissonnantes,

Demain sentir aussi parmi les parfums et les vents,

A notre tour, affluer nos rêves,

Et entendre fuser, en quête d’une issue,

Eperdument des voix !

Ô rivages ligures !

Oh, puissions-nous

Au soleil qui vous nimbe

Refleurir !

 

 

Traduit de l’italien par Sicca Venier

In, « Poètes d’Italie, Anthologie des origines à nos jours »

Editions de la Table Ronde, 1999

Du même auteur :

« A midi faire halte …/ « Merrigiare pallido… » (10/05/2016)

La bourrasque / La bufera (14/08/2019)

Bateaux sur la Marne / Bache sulla Marna (14/08/2020)

Correspondances (08/02/2021)

« elle traversait pieds nus... » (13/08/2021)

« Ne t’abrite pas à l’ombre... » / « Non rifugiarti nell'ombra... »  08/02/2022)

Midi / « Gloria del disteso mezzogiorno... » (14/08/2022)

« Ne nous demande pas le verbe... » / « Non chiederci la parola... » (13/08/2023)

 Quatre poèmes / Quattro poesie (08/02/2024)

 

Riviere,

bastano pochi stocchi d'erbaspada

penduli da un ciglione

sul delirio del mare;

o due camelie pallide

nei giardini deserti,

e un eucalipto biondo che si tuffi

tra sfrusci e pazzi voli

nella luce;

ed ecco che in un attimo

invisibili fili a me si asserpano,

farfalla in una ragna

di fremiti d'olivi, di sguardi di girasoli.

 

Dolce cattività, oggi, riviere

di chi s'arrende per poco

come a rivivere un antico giuoco

non mai dimenticato.

Rammento l'acre filtro che porgeste

allo smarrito adolescente, o rive:

nelle chiare mattine si fondevano

dorsi di colli e ciclo; sulla rena

dei lidi era un risucchio ampio, un eguale

fremer di vite

una febbre del mondo; ed ogni cosa

in se stessa pareva consumarsi.

 

Oh allora sballottati

come l'osso di seppia dalle ondate

svanire a poco a poco;

diventare

un albero rugoso od una pietra

levigata dal mare; nei colori

fondersi dei tramonti; sparir carne

per spicciare sorgente ebbra di sole,

dal sole divorata...

 

          Erano questi,

riviere, i voti del fanciullo antico

che accanto ad una rósa balaustrata

lentamente moriva sorridendo.

 

 

Quanto, marine, queste fredde luci

parlano a chi straziato vi fuggiva.

Lame d'acqua scoprentisi tra varchi

di labili ramure; rocce brune

tra spumeggi; frecciare di rondoni

vagabondi…

 

                Ah, potevo

credervi un giorno, o terre,

bellezze funerarie, auree cornici

all'agonia d'ogni essere.
                  

 

Oggi torno

a voi più forte, o è inganno, ben che il cuore

par sciogliersi in ricordi lieti - e atroci.

Triste anima passata

e tu volontà nuova che mi chiami, 

tempo è forse d'unirvi

in un porto sereno di saggezza.

Ed un giorno sarà ancora l'invito

di voci d'oro, di lusinghe audaci,

anima mia non più divisa. Pensa: 

cangiare in inno l'elegia; rifarsi;

non mancar più.

Potere

simili a questi rami

ieri scarniti e nudi ed oggi pieni

di fremiti e di linfe,

sentire

noi pur domani tra i profumi e i venti

un riaffluir di sogni, un urger folle

di voci verso un esito; e nel sole

che v'investe, riviere, 

rifiorire!

 

Ossi di seppia

Gobetti Editore, Torino, 1925

Poème précédent en italien :

Dino Campana:Guglielma et Manfreda au balcon (XIIIème siècle) /Guglielmina e Manfreda al balcone (Secolo XIII) (01/02/2023)

Poème suivant en italien :

Salvatore Quasimodo : Les retours / I Ritorni (15/04/2023)

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