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Le bar à poèmes
9 septembre 2022

William Shakespeare (1564 – 1616) : « Les yeux de mon amante... » / « My mistress' eyes... »

12547268-liberia-circa-1978-timbre-imprimé-par-le-libéria-montre-des-poèmes-de-shakespeare-circa-1978[1]

 

CXXX

 

Les yeux de mon amante n’ont rien du soleil.

Le rouge de ses lèvres n’est pas le corail.

Si neige est blanche, et de soie le cheveu, le sien

pousse noir sur sa tête et elle a brun le sein.

 

J’ai vu les roses peintes de toutes couleurs,

Mais nulle de ces roses sur sa joue n’ai vue.

J’ai senti des parfums de loin plus enchanteurs

Que celui de ma mie, quand son haleine pue.

 

J’aime le son de son parler ; pourtant je sais

De plus belles musique prêtes à me plaire.

Jamais, j’avoue, n’ai vu déesse aller à pied ;

Le pas de mon amante foule bien la terre.

 

Mais par le ciel enfin ! je la tiens pour meilleure

qu’une autre qui se farde de blasons menteurs.

 

Traduit de l’anglais par Cédric Demangeot

In, Revue « Moriturus N°3-4, avril 2004 »

Editions Fissile, 09310 les cabannes, 2004

 

130

 

Les yeux de ma maîtresse au soleil comparables ?

Non pas ! Ni l’éclat de ses lèvres au corail.

La neige est blanche, alors certes ses seins sont bruns,

Les cheveux, des fils d’or ? Les siens sont des fils noirs.

 

J’ai vu des roses incarnate, rouges, blanches,

Mais sur ses joues je ne vois point de telles roses,

Il est aussi de plus délicieux parfums

Que l’haleine qui de ma maîtresse s’exhale.

 

J’aime entendre sa voix, et pourtant je sais bien

Que le son de la musique est beaucoup plus doux :

Comment s’avance une déesse, je l’ignore,

Ma maîtresse en marchant met ses pieds sur le sol :

 

Et je jure pourtant mon amour aussi rare

Qu’aucune autre pour qui trichent les métaphores.

 

 Traduit de l’anglais par Henri Thomas

In, "Oeuvres complètes de Shakespeare, Tome 7"

Editions Formes et Reflets, 1961

 

130

 

Les yeux de ma maîtresse au soleil ne ressemblent,

Le corail est plus rouge que ne le sont ses lèvres,

Et si la neige est blanche, ma foi, son sein est brun ;

Ses cheveux sont des fils, mais fils noirs et non d’or ;

 

La rose de Damas, je l’ai vu rouge et banche,

Mais je ne voie pareilles roses sur ses joues ;

Et il est des parfums bien plus délicieux

Que l’haleine exhalée, impure, de ses lèvres.

 

J’aime entendre sa voix et je sais bien pourtant

Que plaisent davantage les sons de la musique.

Je n’ai vu, je l’avoue, marcher une déesse ;

Ma maîtresse en marchant a les pieds sur le sol.

 

     Mais, par le ciel, mon amour à mes yeux vaut bien

     Toute femme affublée de fausses métaphores.

 

Traduit de l’anglais par Robert Ellrodt

In, « William Shakespeare, Oeuvres complètes. Poésies »

Editions Robert Laffont (Bouquins), 2002

 

CXXX

 

Ma maîtresse a des yeux qui n’ont rien du soleil

Et ses lèvres n’ont point la rougeur coralline ;

A de noirs fils de fer ses cheveux sont pareils

Et, si la neige est blanche, est brune sa poitrine ;

 

Rouge et blanche, j’ai vu la rose de Damas,

Mais sur sa joue en vain je cherche rose telle,

Et je sais des parfums plus doux à l’odorat

Que l’haleine qui sort des lèvres de ma belle.

 

Je sais bien, quoique j’aime à l’entendre parler,

Que musique a des sons beaucoup mieux faits pour plaire ;

J’accorde n’avoir vu de déesse marcher,

Mais quand va ma maîtresse, elle a les pieds sur terre :

 

     Et pourtant, par le ciel, je la prise aussi haut

     Que femmes qu’on déguise en parallèles faux.

 

Traduit de l’anglais par Jean Fuzier,

Editions Gallimard, 1959

 

CXXX

 

     Les yeux de ma maîtresse n’ont rien du soleil ; le corail est plus rouge que

le rouge de ses lèvres ; et si blanche est la neige, pourquoi donc ses seins

bruns ; si les cheveux sont des fils, sur sa tête sont des fils noirs.

     J’ai vu des roses damassées, rouges et blanches, mais je n’aperçois pas ces

roses sur ses joues ; et dans quelques parfums il est plus de finesse que dans le

souffle qui ressort de ma maîtresse.

     J’aime l’entendre parler, mais je sais bien que la musique a un son plus

plaisant ; j’avoue n’avoir jamais vu de déesse marcher, - ma maîtresse est

pesante à la terre, en marchant.

     Je trouve, par le ciel ! mon amante aussi rare qu’aucune autre qui par

fausseté se compare.

 

Traduit de l’anglais par Pierre Jean Jouve

In, "Sonnets de Shakespeare"

Editions du Sagittaire (Club français du livre, 1955)

Du même auteur :

« C’est quand mon œil est clos… » / "When most I wink..." (02/02/2015)

« Lorsque quarante hivers… » / «When forty winters… » (02/02/2016)

« Quand je compte les coups du balancier... » / « When I do count the clock... » (09/09/2021)

« Mon poème a menti... » / « Those lines that I before have writ do lie... » (09/0/9/2023)

 

 

My mistress' eyes are nothing like the sun;

Coral is far more red than her lips' red;

If snow be white, why then her breasts are dun;

If hairs be wires, black wires grow on her head.

 

I have seen roses damasked, red and white,

But no such roses see I in her cheeks;

And in some perfumes is there more delight

Than in the breath that from my mistress reeks.

 

 

I love to hear her speak, yet well I know

That music hath a far more pleasing sound;

I grant I never saw a goddess go ;

My mistress, when she walks, treads on the ground.

 

And yet, by heaven, I think my love as rare

As any she belied with false compare.

 

 

SHAKE-SPEARES / SONNETS / Never before imprimed

Thomas Torpe, 1609

 Poème précédent en anglais :

John Montague : James Joyce (15/08/2022)

Poème suivant en anglais :

Richard Brautigan : le port / The Harbor (27/09/2022)

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