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Le bar à poèmes
23 août 2022

Jean de Sponde (1557 – 1595) : Sur sa fièvre

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Sur sa fièvre

 

Que faites-vous dedans mes os,

Petites vapeurs enflammées,

Dont les pétillantes fumées

M'étouffent sans fin le repos ?

 

Vous me portez de veine en veine

Les cuisants tisons de vos feux,

Et parmi vos détours confus

Je perds le cours de mon haleine.

 

Mes yeux, crevés de vos ennuis,

Sont bandés de tant de nuages

Qu'en ne voyant que des ombrages

Ils voyent des profondes nuits.

 

Mon cerveau, siège de mon âme,

Heureux pourpris de ma raison,

N'est plus que l'horrible prison

De votre plus horrible flamme.

 

J'ai cent peintres dans ce cerveau,

Tous songes de vos frénésies,

Qui grotesquent mes fantaisies

De feu, de terre, d'air et d'eau.



C'est un chaos que ma pensée

Qui m'élance ore sur les monts,

Ore m'abîme dans un fond,

Me poussant comme elle est poussée.

 

Ma voix qui n'a plus qu'un filet

A peine, à peine encore tire

Quelque soupir qu'elle soupire

De l'enfer des maux où elle est.



Las ! mon angoisse est bien extrême ;

Je trouve tout à dire en moi,

Je suis bien souvent en émoi,

Si c'est moi-même que moi-même.



A ce mal dont je suis frappé

Je comparais jadis ces rages

Dont Amour frappe nos courages,

Mais, Amour, je suis bien trompé,



Il faut librement que je dise :

Au prix d'un mal si furieux,

J'aimerais cent mille fois mieux

Faire l'amour toute ma vie.

 

 

Sonnets d’Amour, 1598

Du même auteur :

« Qui sont, qui sont ceux-là ... » (23/0820/19)

« Hélas ! contez vos jours... » (22/08/2020)

« Ha ! que j’en vois bien peu... » (23/08/2021)

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