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Le bar à poèmes
1 mai 2022

Guillaume Apollinaire (1880 – 1918) : l’Ignorance

apollinaire_monaco[1]

 

L’ignorance

 

ICARE

Soleil, je suis jeune et c’est à cause de toi,

Mon ombre pour être fauste je l’ai jetée.

Pardon, je ne fais pas plus d’ombre qu’une étoile

Je suis le seul qui pense dans l’immensité.

 

Mon père m’apprit les détours du labyrinthe

Et la science de la terre et puis mourut

Et depuis j’ai scruté longtemps la vieille crainte

Du ciel mobile et me suis nourri d’herbes crues.

 

Les oracles, c’est vrai, désapprouvaient ce zèle

Mais nul dieu pour tout dire n’est intervenu

Et pieux j’ai peiné pour achever les ailes

Qu’un peu de cire fixe à mes épaules nues.

 

Et j’ai pris mon essor vers ta face splendide

Les horizons terrestres se sont étalés

Des déserts de Lybie aux palus méotides

Et des sources du Nil aux brumes de Thulé.

 

Soleil je viens caresser ta face splendide

Et veux fixer ta flamme unique, aveuglément.

Icare étant céleste est plus divin qu’Alcide

Et son bûcher sera ton éblouissement.

 

PÂTRES

Je vois un dieu oblong flotter sous le soleil.

Puisse le premier dieu visible s’en aller

Et si c’était un dieu mourant cette merveille

Prions qu’il tombe ailleurs que dans notre vallée.

 

ICARE

Pour éviter la nuit, ta mère incestueuse,

Dieu circulaire et bon je flotte entre les nues

Loin de la terre où vient, stellaire et somptueuse,

La nuit cette inconnue parmi les inconnus.

 

Et je vivrai par ta chaleur et d’espérance

Mais, ton amour, soleil brûle divinement

Mon corps qu’être divin voulut mon ignorance

Et ciel ! Humains ! je tourne en l’éblouissement.

 

BATELIERS

 

Un dieu choît dans la mer, un dieu nu, les mains vides

Au semblant des noyés il ira sur une île

Pourrir face tournée vers le soleil splendide.

Deux ailes feuillolent sous le ciel d’Ionie.

 

In revue « Littérature, Nouvelle série, N°13, Juin 1924 »

Du même auteur :

Les colchiques (14/05/2014)

Le pont Mirabeau (14/05/2015)

A la Santé (14/05/2016) 

Si je mourais là-bas (14//05/2017)

Vitam impendere amori (01 /05/2018)

Départ (01/05/2019)

Corps de chasse (01/05/2020)

La victoire (01/05/2021)

l’Adieu (01/05/2023)

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