Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le bar à poèmes
15 novembre 2021

Mikhaïl Iourievitch Lermontov / Михаил Юрьевич Лермонтов (1814 – 1841) : La patrie / Родина

ermontov_russie[1]

 

La patrie

 

Non, j’aime ma patrie, mais d’un amour bizarre

          Dont ma raison ne peut venir à bout.

                    Ni le sang versé pour sa gloire

Ni l’orgueilleux repos qu’elle affiche partout,

Ni les chants familiers de ses siècles de flamme,

Rien n’éveille ma joie, rien ne me touche l’âme.

 

                    Mais j’aime – allez savoir pourquoi -

          Ecouter le silence de ses plaines

          Et le tangage infini de ses bois

Et ces fleuves sans bord comme des mers lointaines

 

J’aime, d’un long regard perçant l’obscurité,

Me faire cahoter dans une cariole,

Cherchant les feux tremblants comme des lucioles

                    D’un village déshérité.

                    J’aime l’odeur des feux de chaume

                    Et les convois de tombereaux,

                    J’aime, au flanc des collines jaunes,

                    Les jeunes couples de bouleaux,

          Et j’éprouve une joie particulière

                    A voir les foins dans un hangar,

                    Les toits de paille des chaumières,

                    Leurs contrevents sculptés sans art,

                    Er je suivrais, les nuits de fête,

                    Dans la fraîcheur de la rosée,

                    Les paysans qui, à tue-tête

                    Hurlent, dansant à s’épuiser.

1841

 

Traduit du russe par André Markowicz,

In, « Le soleil d’Alexandre. Le cercle de Pouchkine 1802 – 1841 »

Actes Sud, éditeur,2011

 

Le pays natal

 

Je l’aime, mon pays, d’un amour si puissant

Que la froide raison ne le pourrait comprendre,

Car ni la gloire, acquise au prix de notre sang,

Ni l’orgueil confiant, ni les vieilles légendes

Ne peuvent m’inspirer de rêves apaisants.

Mais, sans savoir pourquoi, seuls cependant m’émeuvent

 

Les steppes, leur silence étrange et souverain,

Les ondulations de ces forêts sans fin

Et, pareil à la mer, l’estuaire des fleuves.

 

J’aime les cahots de la télègue en voyage

Quand, dans l’obscurité, cherchant d’un vain regard

Un asile, je vois luire dans le brouillard

Quelques feux clignotants en de tristes villages ;

J’aime ces champs roussis, leur légère fumée,

Une steppe où bivouaque un nomade charroi,

Parmi tant de blondeurs, la colline embrumée,

Et le couple isolé de pâles bouleaux droits.

J’éprouve un vrai bonheur à voir la grange pleine,

L’isba au toit de paille, aux volets décorés ;

Le soir, jusqu’à minuit, je voudrais admirer

A la fête rustique une danse ancienne,

Les pas et les propos des moujiks enivrés...

 

Traduit du russe par Katia Granoff

in, « Anthologie de la poésie russe. »

Editions Gallimard (Poésie), 1993,

Du même auteur :

« De ma geôle ouvrez-moi la grille… » (15/11/2015)

La voile / Парус (15/11/2016)

« Lorsque s’agite et joue la plaine jaunissante… » (15/11/2017)

Monologue / Монологa (15/11/2018)

« Adieu, Russie, patrie pouilleuse ...» / « Прощай, немытая Россия ... » (15/11/2019)

La mort du poète /Смерть поэта. (15/11/2020)

« Pareil au ciel, ton regard brille... » / « Как небеса, твой взор блистает... » (15/11/2022)

 

 

Родина

 

Люблю отчизну я, но странною любовью!


     Не победит ее рассудок мой.


          Ни слава, купленная кровью,


Ни полный гордого доверия покой,


Ни темной старины заветные преданья


Не шевелят во мне отрадного мечтанья,


     Но я люблю — за что, не знаю сам —


     Ее степей холодное молчанье,


     Ее лесов безбрежных колыханье,


Разливы рек ее, подобные морям;


Проселочным путем люблю скакать в телеге


И, взором медленным пронзая ночи тень,


Встречать по сторонам, вздыхая о ночлеге,


Дрожащие огни печальных деревень.


          Люблю дымок спаленной жнивы,


          В степи ночующий обоз


          И на холме средь желтой нивы


          Чету белеющих берез.


          С отрадой, многим незнакомой,


          Я вижу полное гумно,


          Избу, покрытую соломой,


          С резными ставнями окно;


          И в праздник, вечером росистым,


          Смотреть до полночи готов


          На пляску с топаньем и свистом


          Под говор пьяных мужичков.

 

 

 

Poème précédent en russe :

Marina Tsvétaïeva / Марина Ивановна Цветаева: « Après une nuit sans sommeil... » / « После бессонной ночи... » (26/09/2021)

Poème suivant en russe :

Alexandre Sergueïevitch Pouchkine / Александр Сергеевич Пушкин : A Tchaadaïev / Чаадаеву ( 03/03/2022)

Publicité
Publicité
Commentaires
Le bar à poèmes
Publicité
Archives
Newsletter
96 abonnés
Publicité