Jacques Viot (1898 - 1973) : Equivalence des morts
Equivalence des morts
à André BRETON
I
Fête des vestiges
Les chevaux galopent sur les routes
Les insensés morts
t’ont cultivé soleil tulipe noire
montés sur leurs échasses
Oubli oubli qui tourne en ville
Mes cerfs empennés par l’eau froide
Les chemins n’ont pas été inventés par les jambes
La remorque atteint son naufrage
Je te cherche ma vie
entre les doigts des murs
II
Aux rochers de l’oubli qu’on attache ma mort.
L’aube s’éteint
Soupirs soupirs qui furent mes privautés.
Arbres géants que mes doigts n’ont pu saisir
morceaux d’algues
lagunes
mes terres
La plus belle des boules de cristal m’était passée par l’esprit
quand j’en suis mort
Paisible et douce, filante messe
La pourriture des chenilles
III
L’hiver et ses nomenclatures
et « Si nous n’avions couru parmi ces bois secs »
Les cercueils portières du vent
et les cercueils reflétés des glaces
et le nickel
C’est ainsi que j’ai dormi pendant la fraîcheur
Qu’elles sont loin les profondes rivières des morts
Tu siffles dans les clés vides
Le cadran dévasté du lierre ouvre tes mains
Et chacun de tes pas te déteste et te mord
L’eau des piscines glaciales
misérable.
In, Revue « La révolution surréaliste, N° 6, 1erMars 1926 »
Librairie Gallimard, 1926