Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le bar à poèmes
5 décembre 2020

Jacques Roubaud (1932 -) : Tombeaux de Pétrarque

images[1]

 

Tombeaux de Pétrarque

 

               cobla I

 

Ou le soleil mange les étoiles dans l’aube

ou dans la neige tes cheveux prendront rive

comme les vents aux fleuves liés de glace

si des écueils     but amer de ma voile

une lumière     de collines     entre branches

m’écarte neuf     j’aborde au cours d’un bois

contre la lune     dans tes bois c’est le soir

pas une fleur     que la trame     de ces notes

poisse les nuits comme rimes     à la mort 

 

               cobla II

 

Poisse des fleurs     ou dans le style joyeux

si la forêt     d’un seul jour sur la terre

s’éveille force     de ces vers qui voient l’air

vibrer des yeux     s’emplir d’années-laurier

qu’ainsi la pente     (la nuit jette les eaux

à ces vallées     soit de pluie soit de brume)

partout légère     (c’est le prix de ce lieu

nommé le port mais sans navires) : la vie

la nôtre Temps du ciel gavé de feuilles

 

               cobla III

 

Dans ces collines     montre le temps aux feuilles

qui sont ses rimes     ses     pleurs     je suis joyeux

d’avoir son but     le port     car toute vie

aussi d’étoiles     en forêts de la terre

espère un cours     et légère où son lieu

lavé de flammes     prend sa force     depuis l’air

criant     les fleuves     toutes vallées sont brume

où tes cheveux     ont les yeux du laurier

il set les bois     par la pente     de ses eaux

 

               cobla IV

 

Découpe la nuit     là des soirs de la lune

devant le ciel     là branches dans sa lumière

durant des années     une rive sous la neige

si c’est son style     mais de mort liées nuits

balaie de pluie     ou glaces sifflant de vents

ou de navires     crevés voiles sur écueils

dépêtre tes vers     notes sonnant soient fleurs

vautrées au jour     depuis l’aube  couvre terre

qui seule a prix telle entrée en bois neuf

 

               cobla V

 

Partout légère     c’est le prix qu’ici neuf

paya la pente     une nuit sous la lune

quand la forêt     d’un vrai jour fit soleil

le notre temps     borde ciel     toi lumière

asservie force     qui va vers     gommes fleurs

compte tes yeux     pour d’autres années la neige

l’évide port     en navires ou d’écueils

s’effrite pleurs     est(ce un style et les nuits

cédées vallées     qui disent pluies les vents

 

               cobla VI

 

Car la glace la broie     brume en maint fleuve

que précoce bois sans lieu qui n’a plus cours

bâilleuse mort     d’un poing joyeux sans rimes

retire au soir     et les eaux restent bois

outrés de voile     ma vie presque le but

interne l’aube     fait que terre fait qu’étoiles

vues de la rive     au laurier sans cheveux

ensablent branches     feuilles de ces collines

ferrées de notes     et l’air où elle rame

 

               cobla VII

 

Entends mes vers     ils ont note mais pas âme

comment la pluie     gratte glace sur les fleuves

ou bien le ciel     paît branches en des collines

et fait le prix     d’un bois où n’a plus cours

après année     la rive des verts cheveux

j’en fait mon style     mort à moitié de rimes

je happe jour     freine aube jusqu’en étoiles

frappant la nuit     arrime soir des bois

de tes navires     la voile qui n’a de but

 

               cobla VIII

 

Brillons la vie     et sans écueils au port

cumulons l’air et les fleurs dans la force

des longues eaux     une lune suit la pente

pliant la bruine     ni les vents aux vallées

pas plus la terre     qu’un soleil prés forêt

signe de feuilles     ni la lumière sans temps

ni moins joyeux     pour ces nuits de cent fleurs

ton rare lieu     rouvert neuf pour légère

t’entrer laurier     frottée de neige sans yeux

 

               cobla IX

 

Jamais la rive     ni le laurier n’a d’yeux

que pour la voile     reprenant vie au port

n’aura de bois     en ce lieu que légère

table de notes     en tuyaux d’air à force

d’être la mort     la mort aux joyeux pleurs

coudra de soir     muet d’eaux nues en pente

et si branches plongent feuilles de temps

sortent glace     si la brume des vallées

tranche l’aube     si la terre tremble forêts

 

               X tornada

 

Si la terre     bouclier d’étoiles de neige

mange tes yeux     que la pluie que la glace

arme ma vie     il y aura ce but

épais joyeux     peut-être nuits tes rimes

d’ici la mort

 

 

Dors

Editions Gallimard, 1981

Du même auteur :

  « Lettre à Maria Gisborne » (05/12/2015)

∈ (1.0 – 1.2) (05/12/2016)

Un jour de juin (05/12/2017)

∈ (1.3 – 1.4) (05/12/2018)

∈ (2.1 – 2.1.2) (05/12/2019)

∈ (2.1.3 – 2.1.4) (05/12/2021)

Poème commençant : « l’Arbre le temps... (05/12/2022) 

Publicité
Publicité
Commentaires
Le bar à poèmes
Publicité
Archives
Newsletter
96 abonnés
Publicité