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Le bar à poèmes
5 novembre 2020

Alfred Jarry (1873 – 1907) : Manao tupapau

alfredjarry[1]

 

MANAO TUPAPAU 

 

m_obra[1]Paul Gauguin : Manao Tupapau (l'esprit des morts veille)

 

 

Le mur déjà s’endort.

L’Olympia couchée

brune sur la jonchée

des arabesques d’or

et qui fane et profane

de son corps diaphane,

soleil enseveli,

l’or pâli de son lit,

rêve à de vieux mystères :

par les nuits solitaires

l’âme des morts dormants

ressuscitait amants.

Puissent donc leurs bras d’ombre,

puissent leurs bras sans nombre

par cette nuit de ruts,

incubes apparus,

étreindre mon corps vierge !

 

Qui donc luit comme un cierge,

là-bas au pied du lit,

vert comme un hallali,

l’émail d’une fanfare ?

L’arabesque s’effare

et fuit comme un serpent.

Je tords mon corps rampant

loin du corps d’émeraude

du fantôme qui rode.

J’ouvre les bras liés,

mes yeux de boucliers. –

Son capuchon de laine

ondule à son haleine,

son court capuchon vert

comme un cercueil ouvert.

Olympia, repose.

L’Esprit des morts se pose

gardien au pied du lit.

Je chasserai sans trêves

l’essaim des impurs rêves

aux portes de l’oubli.

Et vert comme une yeuse,

le viol d’un tombeau

roide comme un flambeau,

ma tête luit veilleuse.

Sur le noir de mon front

qu’ont vu ceux qui mourront

surgir sombre phalène

près de leur front, pâli,

luit au pied de ton lit

mon oeil de porcelaine...

 

(Trois poèmes d’après et pour Paul Gauguin)

 

 

La Revanche de la nuit

Editions du Mercure de France, 1949

Du même auteur :

Madrigal (30/04/2019)

Ia orana Maria (06/11/2021)

Tapisseries. I. La peur (06/11/2022)

Tapisseries. II. La princesse Mandragore (06/11/2023)

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