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Le bar à poèmes
19 octobre 2020

André Dhôtel (1900 – 1991) : Stilnô

AVT_Andre-Dhotel_5442[1]

 

STILNÔ

 

En suivant la route d’émeraude

Qui mène vers Tsilbaal

J’ai rencontré le pays du rire

 

Aux arbres les frondaisons superposées étaient des cymbales

Aux ruisseaux étaient tendues des cordes d’argent chanteuses

 

Quelle phrase étrange dira tout cela

Quelle phrase ayant la douceur de sifflement des serpents

 

Et la voix de l’homme en ce pays (oh ! comprendrez-vous ?)

Sa voix était le glissement des lumières au ras des nuages

Sa voix était le parfum était le rayon

Mais il faudrait posséder la folie pour dire cela.

 

J’allais vers la ville du rire.

Je n’osai parler et j’eus peur quand j’entendis ma voix

Mais je m’extasiai aussitôt

Elle avait l’ampleur endormeuse des cascades lointaines

Et je pus prendre part aux banquets des dieux du rire

Et je me promenai dans les failles bleues

des allées en forêt avec les dieux du rire

Et je m’arrêtai aux cratères de marbre

où dansaient les eaux vertes

 

Et j’entendis Stilnô !

 

« Diamants éparpillés

« Sombres violences de lourds archets

« Le cirque est plein

« Jonglez ô parodistes

 

« Silence !

« Je vois soudain autre chose

 

« Oh ! les plis bleus transparents sur tes seins clairs

 

« Hespera, respiration des étangs

« Pétale balancé en l’air plein de sillages

« Longuement tu agites les bras

« Vers moi.

 

« Tes jambes longues sous le voile

« T’emportes vers moi.

« Viens sur ma poitrine

« Je te raconterai comment dans un tronc creux

« Le Fils des mouettes

« Alla vers l’île mystérieuse

 

« Autre chose encore

 

« C’est au plus profond de l’hiver

« Fleur d’aube, le givre est sur les prés

« Je vois des enfants

« et des lilas regrettés vivants extraordinaires

« Les enfants portent les lilas

« Allons par les chemins sonores

« Au sein des baies gelées

« Et sur les étangs miraculeux

« Où les pierres jetées

« Sont restées suspendues

 

La joie était alors

Comme était

 

l’or sur les boucliers

 

Quand Stilnô dit

« Car la poésie est une limite

l’éclat de rire à l’aube de la folie ».

 

O spectres idiots, reculez au lointain des décors dorés.

Ou suis-je ? Chez les histrions – les gens furieux,

Au sein de l’atroce banalité

Retrouverai-je la route qui descend de Tsilbaal vers les plaines paisibles ?

Je ne sais plus

Depuis que Stilnô parla en mon cœur

et chanta « l’Invitation à la folie »

Stilnô le dieu du rire

Stinô le clown hideux et banal

 

In, Revue « aventure N°3, janvier 1922 »

Du même auteur : Lointaine (19/10/2019)

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