Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le bar à poèmes
4 octobre 2020

Claudio Rodríguez (1934 -1999) : Etranger / Ajeno

claudio-web-02[1]

 

Etranger

 

     Longue est la journée de qui n’aime pas

et le sait. Il entend les accents

durs et courts de son corps, sa chanson

éraillé, sonnant toujours à lointain.

Il ferme sa porte, la voilà bien fermée ;

il sort et, pour un moment, ses genoux

vont heurter le sol. Mais l’aube

avec une dangereuse générosité,

le rafraîchit et le redresse. Très claire

est sa rue, il l’arpente d’un pied sombre,

et il boîte aussitôt parce qu’il est accompagné

de sa seule fatigue. Et il se voue à l’air :

paroles mortes dans sa bouche vivante.

Prisonnier de ne pas aimer, il étreint

sa propre solitude. Et il est sûr de lui,

plus sûr que quiconque car il ne possèdera

rien ; et il sait bien que jamais

il ne vivra ici, sur la terre. Comment

connaître celui qui n’aime pas, comment

lui pardonner ? longue journée et plus longue

nuit. Il mentira en sortant sa clé.

Il entrera. Et jamais il n’habitera sa maison.

 

Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet

In, « Poésie espagnole, Anthologie 1945 – 1990 »

Actes Sud / Editions Unesco, 1995

Du même auteur :

Parce que nous ne possédons rien / Porque no poseemos (04/10/2018)

Don de l’ivresse / Don de la ebriedad (04/10/2019)

 L’embauche des gamins / « Qué estáis haciendo aquí?.. » (04/10/2021)

Comme le bruissement des feuilles du peuplier / « El dolor verdadero no hace ruido... » (04/10/2022) 

 Gestes / Gestos (04/10/2023)

 

Ajeno

     Largo se le hace el día a quien no ama

y él lo sabe. Y él oye ese tañido

corto y duro del cuerpo, su cascada

canción, siempre sonando a lejanía.

Cierra su puerta y queda bien cerrada;

sale y, por un momento, sus rodillas

se le van hacia el suelo. Pero el alba,

con peligrosa generosidad,

le refresca y le yergue. Está muy clara

su calle, y la pasea con pie oscuro,

y cojea en seguida porque anda

sólo con su fatiga. Y dice aire:

palabras muertas con su boca viva.

Prisionero por no querer, abraza

su propia soledad. Y está seguro,

más seguro que nadie porque nada

poseerá; y él bien sabe que nunca

vivirá aquí, en la tierra. A quien no ama,

¿cómo podemos conocer o cómo

perdonar? Día largo y aún más larga

la noche. Mentirá al sacar la llave.

Entrará. Y nunca habitará su casa.

 

Alianza y condena

Ediciones de la Revista de Occidente, Madrid, 1965

Poème précédent en espagnol :

Luis Mizón : Fantôme / Fantasmas (05/08/2020)

Poème suivant en espagnol :

Pablo Neruda :  La Ma Nounou / La Mamadre (02/11/2020)

Publicité
Publicité
Commentaires
Le bar à poèmes
Publicité
Archives
Newsletter
96 abonnés
Publicité