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Le bar à poèmes
13 mai 2020

Giuseppe Ungaretti (1888 – 1970) : La mort méditée (1,2,5,6) / La morte meditata (1,2,5,6)

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La mort méditée

 

Chant premier

 

O toi sœur de l’ombre,

Nocturne, d’autant plus que le jour a de force,

Tu me poursuis, ô mort.

 

C’est dans un jardin pur

Qu’une convoitise ingénue te donna le jour

Et la paix sur ta bouche

Fut perdue, mort pensive.

 

Et depuis ce moment, dans le flux de l’esprit

Je t’entends

Approfondir les distances,

Emule souffrant de l’éternel.

 

Mère venimeuse des temps

Dans la peur du battement de cœur

La peur de la solitude,

 

Beauté punie et riante,

Songeuse fuyante

En l’assoupissement de la chair,

Et de la grandeur humaine

Athlète sans aucun sommeil !

 

Quand tu m’auras dompté, dis-moi :

 

Dans la détresse des vivants

L’ombre volera-t-elle longtemps ?

 

Chant second

 

Elle creuse l’intime vie

De notre masque de malheur

D’une caresse fanatique,

La sombre veillée des pères

Ou prison d’infini.

 

Mort, ô mot très muet

Sable laissé comme un lit

Par le sang,

Je t’entends chanter comme une cigale

Dans la rose veuve de reflets.

 

Chant cinquième

 

Tu as fermé les yeux.

 

Et naît une nuit vague

Pleine d’irréels creux,

De sons morts, comme bruit de liège,

De filets descendus dans l’eau.

 

Tes mains se transforment en souffle

D’inviolables lointains

Imprenables comme les images,

 

Et l’équivoque de la lune

Et le balancement, très doux,

Si tu me poses tes mains

Sur les yeux, atteignent l’âme.

 

Tu es la femme qui passe

Comme une feuille

Et qui laisse aux arbres un feu d’automne.

 

Chant sixième

 

O belle proie,

Nocturne voix,

Tes mouvements

Font naître la fièvre.

Mémoire démente, toi

Tu captures la liberté.

 

Sur ton insaisissable chair

Et vacillante dedans les miroirs troublés,

Quels crimes, ô rêve,

Ne m’as-tu pas induit à consommer ?

 

Fantômes, avec vous je n’ai nulle réserve,

Quand on ouvre les yeux

L’éclat du jour est plein de vos remords.

 

Traduit de l’italien par Pierre Jean Jouve

In, « La Nouvelle Revue Française, N° 217 1er Octobre 1931 »

(Chant 1, 2, 5)

In, Revue « Lettres.1944, N° 4 », Genève

(Chant 6)

Du même auteur :

  Où la lumière / Dove la luce (20/11/2014)  

La Pitié / La Pietà (13/05/2016)

Les fleuves / I fiumi (13/05/2017)

Vanité/ Vanità (13/05/2018)

J’ai tout perdu / Tutto ho perduto (13/05/2019)

San Martino Del Carso (13/05/2021)

Calme / Sereno (13/05/2022)

Ironie / Ironia (01/11/2022)

Somnolence / Sonnolenza (01/11/2023)

 

La Morte Meditata

Canto primo



O sorella dell'ombra,

Notturna quanto più la luce ha forza,

M'insegui, morte.

 

In un giardino puro

Alla luce ti diè l'ingenua brama

e la pace fu persa,

Pensosa morte,

Sulla tua bocca.

 

Da quel momento

Ti odo nel fliure della mente

Approfondire lontananze,

Emula sofferente dell'eterno.

 

Madre velenosa degli evi

Nella paura del palpito

E della solitudine,

 

Bellezza punita e ridente,

 

Nell'assopirsi della carne

Sognatrice fuggente,

Atleta senza sonno

Della nostra grandezza,

 

Quando m'avrai domato, dimmi:

 

Nella malinconia dei vivi

Volerà a lungo la mia ombra?

Canto secondo

 

Scava le intime vite

Della nostra infelice maschera

(Clausura d’infinito)

Con blandizia fanatica

La buia veglia dei padri.

 

Morte, muta parola,

Sabbia deposta come un letto

Dal sangue,

Ti odo cantare come una cicala

Nella rosa abbrunata dei riflessi

 

Canto quinto

Hai chiuso gli occhi.

 

Nasce una notte

Piena di finte buche,

Di suoni morti

Come di sugheri

Di reti calate nell’acqua.

 

Le tue mani si fanno come un soffio

D’inviolabili lontananze,

Inafferrabili come le idee,

 

E l’equivoco della luna

E il dondolio, dolcissimi,

Se vuoi posarmele sugli occhi,

Toccano l’anima.

 

Sei la donna che passa

Come una foglia

E lasci agli alberi un fuoco d’autunno.

 

Canto sesto

 

O bella preda,

Voce notturna,

Le tue movenze

Fomentano la febbre.

Solo tu, memoria demente,

La libertà potevi catturare.

 

Sulla tua carne inafferrabile

E vacillante dentro specchi torbidi,

Quali delitti, sogno,

Non m’insegnasti a consumare?

 

Con voi, fantasmi, non ho mai ritegno,

E dei vostri rimorsi ho pieno il cuore

Quando fa giorno

1932

 

 

Vita d’un uomo. Tutte le poesie

Mondadori editore, Milano, 1969

Poème précédent en italien :

Cesare Pavese: Femmes passionnées / Donne appassionate (18/04/2020)

Poème suivant en italien :

Guido delle Colonne : « Amour, qui si longuement m’as mené... » / « Amor, che lungiamente m’hai menato... » (28/07/2020)

 

 

 

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