Rien
Il n’y a rien. Rien sinon ce peu de jour qui vient avec le jour, que l’ombre au
flanc de la montagne. Il n’y a rien. Que le vent de solitude, les petites vagues
quand on dort. On voit un enfant qui naît, un enfant qui meurt. Puis après, rien,
plus rien. Rien que l’incroyable Voie Lactée, rien que l’arbre qui pousse en
montant. Quand on pense qu’il pourrait y avoir tout. Il pourrait y avoir des
éveils, des élans, des lenteurs sous les eaux, des giclements, des vénus montées
sur des bêtes blondes ; il pourrait y avoir des maisons ouvertes, des gens assis
dans des parcs, des amoncellements légers, qui font rire. Mais rien. Il n’y a
rien. Sauf ce tremblement qui ressemble à une soif. Un regard peut-être va luire
dans un visage.
Effets personnels
Editions de l’Hexagone, Montréal (Québec), 1987