Anno Domini MCMXLVII
Vous avez fini de battre vos tambours
à une cadence de mort sur tous les horizons
derrière les cercueils enserrés dans les drapeaux,
d’offrir plaies et larmes à la pitié
dans les villes détruites, ruine sur ruine.
Et plus personne ne crie : « Mon Dieu
pourquoi m’as -tu abandonné ? « Et le lait ne coule plus
ni le sang de la poitrine percée. Et maintenant
que vous avez caché les canons sous les magnolias,
laissez-nous un jour sans armes dans l’herbe
au bruit de l’eau en mouvement,
des feuilles de roseaux fraîches dans nos cheveux
pendant que nous embrassons la femme qui nous aime.
Que ne sonne soudain avant la nuit
l’heure du couvre-feu. Un jour, un seul
jour rien que pour nous, ô maitres de la terre,
avant que roulent encore l’air et le fer
et qu’un éclat nous brûle en plein front.
Traduit de l'italien par Roland Ladrière
in, Salvatore Quasimodo : "Oeuvres poétiques"
Editions de Corlevour, 92110 Clichy,2021
Vous avez fini de sonner le glas
Au roulement cadencé des tambours
Sur tous les horizons, derrière les cercueils
Suivant de près les drapeaux.
Vous avez fini de vous apitoyer sur les plaies et les larmes
Dans les villes détruites – tas de ruines.
Et plus personne ne crie : « Mon Dieu,
Pourquoi m’as-tu abandonné ? » De la poitrine trouée
Ne coulent plus le lait ni le sang.
Et maintenant que vous avez camouflé vos canons
Parmi les magnolias, laissez-nous donc
Un jour sans armes sur le gazon
Au bruit de l’eau ruisselante,
Des feuilles fraîches de roseau dans nos cheveux,
Et tout en étreignant la femme qui nous aime.
Puisse-t-elle d’un coup sonner avant la nuit
L’heure du couvre-feu ! Un jour, rien qu’un seul
Jour pour nous, ô maîtres de la terre,
Avant que derechef grondent l’air et le feu
Et que nous brûle un éclat en plein front.
Traduit de l’italien par Sicca Vernier
in, « Poètes d’Italie. Anthologie, des origines à nos jours »
Editions de la Table Ronde, 1999
Du même auteur :
Et c’est bientôt le soir / Ed è subito sera (01/11/2014)
J'entends encore la mer / S’ode ancora il mare (15/04/2018)
Devant le gisant d’Ilaria del Carretto / Davanti al simulacro d’Ilaria Del Carretto (15/04/2019)
Vent à Tyndaris / Vento a Tindari (15/04/2021)
Temple de Zeus à Agrigente / Tempio di Zeus Ad Agrigento 15/04/2022)
La pie noire rit sur les orangers / Ride la gazza, nera sugli aranci. (06/10/2022)
Les retours / I Ritorni (15/04/2023)
Glendalough (06/10/2023)
Anno Domini MCMXLVII
Avete finito di battere i tamburi
a cadenza di morte su tutti gli orizzonti
dietro le bare strette alle bandiere,
di rendere piaghe e lacrime a pietà
nelle città distrutte, rovina su rovina.
E più nessuno grida: «Mio Dio,
perché m'hai lasciato?» E non scorre più latte
né sangue dal petto forato. E ora
che avete nascosto i cannoni fra le magnolie,
lasciateci un giorno senz'armi sopra l'erba
al rumore dell'acqua in movimento,
delle foglie di canna fresche tra i capelli,
mentre abbracciamo la donna che ci ama.
Che non suoni di colpo'avanti notte
l'ora del coprifuoco. Un giorno, un solo
giorno per noi, o padroni della terra,
prima che rulli ancora l'aria e il ferro
e una scheggia ci bruci in piena fronte.
La vita non è sogno
Mondadori, Milano (Italia),1949
Poème précédent en italien :
Dini Campana : Jardin automnal (Florence) / Giardino autunnale (Firenze) (01/02/20)
Poème suivant en italien :
Cesare Pavese: Femmes passionnées / Donne appassionate (18/04/2020)