Le tertre blanc
après la route le chemin
dépassant la croix
et les jardins aux maisons vides
pour arriver au tertre
où les branches de fenouil
étoilent de tout près le ciel
et la mer est en bas
la distance est toujours temps
les pas heurtent le rien
entre ici et là
ces maisons plus loin informent
autrement l’air
et vu du dehors le jardin
a perdu pied
tout est plus bas plus haut
cette dérive de la terre
l’île flottante du temps
n’est plus l’illusion en cours
par les haies du regard
malgré le pouvoir des clefs
car maintenant l’on contourne
ce radeau de jours
et même les puits se cachent
sous l’herbe bien lisse
ce fut ici cependant
que la mer laissait voir
le matin aux fenêtres
tout le scintillement vif
que le couchant déplace
dans les distances de l’air
comment ancrer le temps
est une question sans bord
nous sommes versés au ciel
par une faille dans les nuages
où le verger bascule
le cœur est un gouffre
et nous tombons en haut
nous agrippant aux herbes
pour garder un toit
aux intempéries bleues
ici nous logions
dans l’attente de la mer
où les soucis oranges
s’épinglaient en haut
de la chute des galets
vers cette entrée intacte
nager est en soi
et l’horizon fut proche
où l’on touchait déjà
au retour de demain
il y avait un rêve
en haut du chemin
de piliers qui portaient
des capucines en fleurs
et de marches dans le roc
mais maintenant ne restent
que quelques primevères
posées sur une pierre
et un jour tenu ouvert
par l’appel d’un oubli
il y a encore
le papillon d’une voile
à la sortie de la Chambre
que l’on voit d’ici
entre deux mains de terre
un envoi de vie
dans une haute lumière
le cimetière d’un île
est un lieu propice
aux bruissement d’ ailes
île de Bréhat, le 20 avril 2000
SUITE
c’est bien d’avoir l’impossible dans sa vie
car on ne peut pas le perdre
et dès la première vision
au tournant de la route
de l’île entourée de fragments excessifs
comme un tableau de Leonardo
ou de Patinir
j’ai su être de surcroît
celle qui est là
le difficile
en tout retour
est de contourner
les emplacements
des feux d’anciens espoirs
et de voir aux mêmes fenêtres
d’autres fleurs
il y a des vitres
qui ne font pas miroir
ou de l’autre côté
l’on peut voir
le vide de la route au soleil
et la poste fermée à midi
comme la marée montante
diminue l’île
la peur isole
tout est dehors
même le dedans
mais de ces gués frileux
il en vient
une longue lumière
marcher sur ses pas
pour fouler encore
le corps du chemin
et déplacer
dans la poussière
les pierres incertaines des mots
la mer est profonde
d’un vert très pâle
les galets sont blancs
et ronds comme des pains
quelquefois les anges
posent leurs têtes
pour entendre perler le vide
les fleurs viennent
de l’envers de l’île
et y retournent
Le dit des couleurs
Editions Folle Avoine, 35137 Bédée , 2003
De la même autrice :
Matière de lumière (20/01/2014)
« Si pour vivre il suffit de toucher la terre… » (20/01/2015)
La terre âgée (20/01/2016)
L’après-midi à Bréhat (20/01/2017)
Mère bleue (05/02/2018)
L’Ombre au Soleil (05/02/2019)
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