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Le bar à poèmes
2 février 2020

Jacques Rabemananjara (1913 – 2005) : « Ile !... »

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Ile !

Ile aux syllabes de flamme,

Jamais ton nom

ne fut plus cher à mon âme !

Ile,

ne fut plus doux à mon cœur !

Ile aux syllabes de flamme,

Madagascar !

 

Quelle résonance !

Les mots

fondent dans ma bouche :

Le miel des claires saisons

dans le mystère de tes sylves,

Madagascar !

 

Je mords la chair vierge et rouge

avec l’âpre ferveur

du mourant aux dents de lumière,

Madagascar !

 

Un viatique d’innocence

dans mes entailles d’affamé,

je m’allongerai sur ton sein avec la fougue

du plus ardent de tes amants,

du plus fidèle,

Madagascar !

 

Qu’importent le hululement des chouettes,

le vol rasant et bas

des hiboux apeurés sous le faîtage

de la maison incendiée !oh, les renards ,

qu’ils lèchent

leur peau puante du sang des poussins,

du sang auréolé des flamands roses !

Nous autres, les hallucinés de l’azur ,

nous scrutons éperdument tout l’infini de bleue de la nue,

Madagascar !

 

La tête tournée à l’aube levante,

un pied sur le nombril du ponant,

et le thyrse

planté dans le cœur nu du Sud,

je danserais, ô Bien-Aimée,

je danserai la danse-éclair

des chasseurs de reptiles,

Madagascar !

 

Je lancerai mon rire mythique

sur la face blême du Midi !

Je lancerai sur la figure des étoiles

la limpidité de mon sang !

je lancerai l’éclat de ta noblesse

sur la nuque épaisse de l’Univers,

Madagascar !

 

Un mot,

Ile !

rien qu’un mot !

Le mot qui coupe du silence

La corde serrée à ton cou.

Le mot qui rompt les bandelettes

du cadavre transfiguré !

Dans le ventre de la mère

l’embryon sautillera.

Dans les entrailles des pierres

danseront les trépassés.

Et l’homme et la femme,

et les morts et les vivants,

et la bête et la plante,

tous se retrouvent haletants,

dans le bosquet de la magie,

là-bas , au centre de la joie,

Un mot,

Ile

Rien qu’un mot !

 

Le mot de l’âge d’or,

Le mot sur le déluge.

Le mot qui fait tourner

le globe sur lui-même !

La fureur des combats !

Le cri de la victoire !

L’étendard de la paix !

 

Un mot, Ile

et tu frémis !

Un mot, Ile,

et tu bondis

Cavalière océane !

 

Le mot de nos désirs !

Le mot de notre chaîne !

Le mot de notre deuil !

Il brille

dans les larmes des veuves,

dans les larmes des mères

et des fiers orphelins.

ll germe

avec la fleur des tombes,

avec les insoumis

et l’orgueil des captifs.

 

Ile de mes Ancêtres,

ce mot, c’est mon salut.

Ce mot, c’est mon message.

Le mot claquant au vent

sur l’extrême éminence !

Un mot.

Du milieu du zénith

un papangue ivre fonce,

siffle

aux oreilles des quatre espaces :

Liberté ! Liberté ! Liberté ! Liberté !

 

Antsa, Anthologie négro-africaine

Editions Présence Africaine

Du même auteur :

Lyre à sept cordes (19/01/2017)

Chant XXII (02/02/2018)

La mer (02/02/2019)

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