Même si la neige tombe en grappes mûres
Personne ne secoue de branches là-haut
L’arbre de la lumière ne donne pas de fruits de neige
Il n’y a pas de semailles de neige
Il n’y a pas d’oranges de neige il n’y a pas d’œillets
Il n’y a ni comètes ni soleils de neige
Si même elle vole il n’y a pas d’oiseaux de neige
Dans la paume du soleil elle brille un instant et tombe
A peine a-t-elle un corps à peine un poids un nom
Et déjà elle couvre tout de son corps de neige
De son poids de lumière et de son nom sans ombre
Sur sa tige de chaleur se balance
La saison indécise
Là-bas
Un grand désir de voyage agite
Les entrailles glacées du lac
Des reflets chassent là-haut
La rive offre des gants de mousse à ta blancheur
La lumière boit la lumière dans ta bouche
Mon corps s’ouvre comme un regard
Comme une fleur au soleil d’un regard
Tu t’ouvres
Beauté sans appui
Un clignement
Tout se précipite dans un œil sans fond
Un clignement
Tout reparait dans le même œil
Le monde brille
Tu resplendis à la limite de l’eau et de la lumière
Tu es le beau masque du jour.
Traduit de l’espagnol par Jean-Clémence Lambert
in, Octavio Paz : « Liberté sur parole »
Editions Gallimard (Poésie), 1966
Du même auteur :
L’avant du commencement /Antes del Comienzo (17/01/2015)
Pierres de soleil / Piedra de sol (17/02/2016)
Hymne parmi les ruines / Himno entre ruinas (10/02/2017)
Source (10/02/2018)