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Le bar à poèmes
18 novembre 2018

Voltaire (1694 -1778) : A Madame Lullin

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A Madame Lullin

 

Hé quoi ! vous êtes étonnée

Qu’au bout de quatre-vingts hivers,

Ma muse faible et surannée

Puisse encor fredonner des vers ?

 

Quelquefois un peu de verdure

Rit sous les glaçons de nos champs ;

Elle console la nature,

Mais elle sèche en peu de temps.

 

Un oiseau peut se faire entendre

Après la saison des beaux jours,

Mais sa voix n’a plus rien de tendre,

Il ne chante plus ses amours.

 

Ainsi je touche encor ma lyre

Qui n’obéit plus à mes doigts ;

Ainsi j’essaie encor ma voix

Au moment même qu’elle expire.

 

« Je veux dans mes derniers adieux,

Disait Tibulle à son amante,

Attacher mes yeux sur tes yeux,

Te presser de ma main mourante. »

 

Mais quand on sent qu’on va passer,

Quand l’âme fuit avec la vie,

A-t-on des yeux pour voir Délie,

Et des mains pour la caresser ?

 

Dans ce moment chacun oublie

Tout ce qu’il a fait en santé.

Quel mortel s’est jamais flatté

D’un rendez-vous, à l’agonie ?

 

Délie elle-même, à son tour,

S’en va dans la nuit éternelle,

En oubliant qu’elle fut belle,

Et qu’elle a vécu pour l’amour.

 

Nous naissons, nous vivons, bergère,

Nous mourons sans savoir comment ;

Chacun est parti du néant :

Où va-t-il ?… Dieu le sait, ma chère.

Du même auteur :

Adieu à la vie (18/11/2015) 

« L’autre jour au fond d’un vallon… » (18/11/2016)

A Madame du Chatelet (18/11/2017)

Le loup moraliste (18/11/2018)

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