Pays
Là où pays et vents sont de même eau intarissable
Devant qu’oiseaux eussent toué villes et bois
J’ai tendu haut ce linge dénudé, la voix de sel
Comme un limon sans fond ni diamant ni piège bleu
*
A cet empan où toute lave s’émerveille de geler
Devenant être, et elle prend parti d’un pur étant
Là où pays et sang se mêlèrent au demeurant
J’ai grandi dans l’armure où consumaient les treize vents
*
Ata-Eli vieux songe d’âme et nue
Où les autans si las s’énamourèrent
Nous avons pris main dans l’alphabet roué
Aux brumes de ces mots voilé le cri, éclaboussé
Le long cri des oiseaux précipités dans cette mer
Et nous avons aux mers plus d’écriture qu’il paraît
Yoles blessées où les lézardes s’évertuèrent.
*
Comme ils scellaient aux planches dessalées du pont d’avant
La houle de nos pas
Comme ils rivaient en poupe ces allures finissantes
Voici musique d’algues et de gommiers
La mer voici la mer ferreuse qu’enlaçaient
Tant d’entassements écroulés
Tant de mots rauques plein bord
Plus rêches que case d’ocre
Ou que masques délités.
*
La terre rouge a bu la terre rapportée
L’œuvre que nous halons est un songe de mer
Nous reconnûmes le sésame et la soierie émerveillée
*
J’ai cette terre pour dictame au matin d’un village
Où un enfant tenait forêt et déhalait rivage
Ne soyez pas les mendiants de l’Univers
L’anse du morne ici recomposé nous donne
L’émail et l’ocre des savanes d’avant temps
*
Voici ô dérivée nous nous levons de bonne houle
Tu es nouvelle dans l’humus qui t’a hélée
Une grotte a ouvert pour nous sa parenté
D’île en cratère c’est éclat de lames, bleuité
Encore et brûlis de l’eau d’un mancenillier
Je prends ma terre pour laver les vieilles plaies
D’un creux de saumure empêtré d’aveux
Mais si lourd à porter ô si lourds ô palétuviers
Poèmes complets
Editions Gallimard, 1994
Du même auteur :
Laves (01/09/2014)
Le premier jour (01/09/2015)
L’œil dérobé (01/09/2016)
Versets (01/09/2017)
Le grand midi (01/09/2019)
Saison unique (01/09/2020)
Saisons (01/09/2021)
Miroirs / Givres (01/09/2022)