Victor Brauner : "Portrait d'André Breton", Musée d'art moderne de la ville de Paris
La lanterne sourde
A Aimé Césaire, Georges Gratiant, René Ménil.
Et les grandes orgues c'est la pluie comme elle tombe ici et se parfume : quelle
gare pour l'arrivée en tous sens sur mille rails, pour la manœuvre sur autant de
plaques tournantes de ses express de verre ! A toute heure elle charge de ses
lances blanches et noires, des cuirasses volant en éclats de midi à ces armures
anciennes faites des étoiles que je n'avais pas encore vues. Le grand jour de
préparatifs qui peut précéder la nuit de Walpurgis au gouffre d'Absalon! J'y suis!
Pour peu que la lumière se voile, toute l'eau du ciel pique aussitôt sa tente, d'où
pendent les agrès de vertige et de l'eau encore s'égoutte à l'accorder des hauts
instruments de cuivre vert. La pluie pose ses verres de lampe autour des bambous,
aux bobèches de ces fleurs de vermeil agrippées aux branches par des suçoirs,
autour desquelles il n'y a qu'une minute toutes les figures de la danse enseignées
par deux papillons de sang. Alors tout se déploie au fond du bol à la façon des
fleurs japonaises, puis une clairière s'entrouvre : l'héliotropisme y saute avec ses
souliers à poulaine et ses ongles vrillés. Il prend tous les coeurs, relève d'une
aigrette la sensitive et pâme la fougère dont la bouche ardente est la roue du
temps. Mon œil est une violette fermée au centre de l'ellipse, à la pointe du fouet.
Martinique, charmeuse de serpents
Editions du Sagittaire, 11948
Du même auteur :
Union libre 17/(01/2014)
Ode à Charles Fourier (23/01/2015)
Plutôt la vie (23/01/2016) :
Les écrits s’en vont (23/01/2017)
« On me dit que là-bas... » (23/01/2019)
Le verbe être (23/10/2020)
« J’aimerais n’avoir jamais commencé... » (23/01/2021)
« Dites-moi où s’arrêtera la flamme... » (23/01/2022)