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Le bar à poèmes
17 décembre 2017

Raymond Queneau (1903 – 1977) : Je n'ai donc pu rêver

Queneau1_1_

 

Je n'ai donc pu rêver

 

Je n'ai donc pu rêver que de fausses manœuvres,

vaisseau que des hasards menaient de port en port,

de havre en havre et de la naissance à la mort,

sans connaître le fret ignorant de leur œuvre.

 

Marins et passagers et navire qui tangue

et ce je qui débute ont même expression,

une charte-partie ou la démolition,

mais sur ce pont se livrent des combats exsangues.

 

Voici : le capitaine a regardé les nuages

qui démolissaient l'horizon,

il descend dans la cale où déjà du naufrage

se profile l'inclinaison.

 

Voici : les rats se sauvent

et plus d'un prisonnier trouve sa délivrance.

La coquille a viré pour courir d'autres chances,

et voici : l'on innove.

 

Que disent les marins ? ils grimpent aux cordages

en sacrant comme des loups,

ils ont passé la ligne affublés en sauvages,

voulant encor faire les fous.

 

Voici : ce navire entre dans d'autres eaux,

d'autres mers où les orages

n'ont pas détruit le balisage,

et voici : les marins ont fermé leurs couteaux.

 

Voici : ce ne sont plus vers de faux rivages

que nous appareillons.

La vie est un songe, dit-on,

mais deux c'est trop pour mon âge.

 

Chêne et chien

Editions Denoël, 1937

Du même auteur :

 « Quand nous pénètrerons la gueule de travers… » (25/05/2014)

« Si tu t’imagines… » (25/05/2015) 

Je crains pas ça tellment (25/05/2016)

Vieillir (01/04/2019)

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