Hubert Juin (1926 – 1987) : « Où sont les appels de la lumière… »
Où sont les appels de la lumière Où les flammes
lisses de jour d‘été dans son habit d’eau courante
Et les marchés au village le vendredi parmi les rires
les marronniers étendus à l’aise dans l’or noir du
théâtre lorsque se levait narquoise la toile peinte
c’était l’aube encore et elle la servante haussait
sa nudité à la fenêtre espérant un regard un
oiseau de chair comme l’enfant qui voit son sexe
se gonfler lorsque le lave la servante aux doigts
bleus L’orchestre n’en finissait pas de crisser de
geindre de peigner le pubis gonflé de suc hissé au ciel
de la belle journée Puis glissant la jupe navire
aux lourdes voiles emporté aux lisières du monde
reconnu
Si nous pouvions de tout ceci nous souvenir Jeter
à la face oublieuse rien que ce sein d’ombre à la fenêtre
un matin d’août
Le chant murmurait à la margelle du jour clair
La phrase était soleil rompu brisé une proie si
candide que la servante nue la berçait l’enlaçait
ses cuisses tremblaient malgré le chaud l’éclair
enlaçaient tous ces mots égarés et voici que sa bouche
murmure C’est une photographie passée ternie
et le flou du poème
Les autres brandissaient des épées Ils étaient vieux
avec des gestes ambigus Ils rampaient dans l’herbe
hurlaient tels les loups devant les portes closes Ils
baissaient les yeux Refusaient la nudité de la fille
là-haut dans son voyage solitaire à la fenêtre une
sainte un peu inclinée sur la gauche avec le ventre
bouclier ouvert sur une bouche hurlante de suint
L’odeur épaisse des chevaux sur la place du village
cela faisait une nuée rousse où s’étoilait l’appel
des lumières portées par le vent de mer chassées par
les fouets du temps
Les mots se rompaient Il ne restait rien
qu’une ébauche oubliée une peinture salie
La servant très vieille maintenant s’enfonce
dans le Sud si bas qu’on ne l’entend plus gémir
Les Guerriers du Chalco
Editions Belfond, 1976
Du même auteur :
L’Aube brève (03/07/2015)
V.H. (03/07/2016)