Antonio Gamoneda (1931 -) : « Vois / la fugacité sylvestre… »
Pour le peintre Alejandro Vargas
Vois
la fugacité sylvestre.
Ses ramages en transit
vers un espace invisible.
Perçois
une musique à la fois inaudible (tu sais
que dans le silence la musique demeure)
et tu la résous
en pigments traversés par la lumière.
Par une autre lumière peut-être.
Tu es translucide dans la sensualité terrestre.
Tu méprises l’opacité du basalte et tu aimes la vibration
que laissent dans l’air
les oiseaux de passage.
Tu retiens
des particules tombées d’une éternelle existence
ou d’un éternelle
inexistence,
c’est
indifférent,
pour entrer dans tes vallées, dans l’univers infime
d’une fleur
ou pour mettre à nu des lointains
territoires bouillonnants.
Pourrais-tu avec les mêmes
pulsations vivantes
carboniser enfin les froides braises de ton cœur ? Ou du mien,
indifférent.
Non ; ne le fais pas. Restaure chaque jour
ton pacte lumineux avec la mort.
Traduit de l’espagnol par Alejandro Vargas,
avec l’aide d’Yvon Le Men
in, « Il fait un temps de poème. Volume 2
Textes rassemblés et présentés par Yvon Le Men »
Filigranes Editions, 22140 Trézélan, 2013
Du même auteur :
« Je sais que l’unique chant… » (04/12/2016)
« Il existait tes mains... » / « Existían tus manos... » (04/12/2018)
Blues de l’escalier / Blues de la escalera (04/12/2019)
« Si au moins je savais d’où ta tête... » (04/12/2020)
« Convoquée par les femmes... » (04/12/2021)