je croyais que la vie s’était arrêtée
que plus jamais on en reverrait le soleil
ni les arbres fleurir et pousser des feuilles
ni le ciel montrer qu’il peut parfois être bleu
je croyais qu’on était entré dans une cave
quelque part très loin avec dans l’âme de ne
plus se soucier que les habits soient déchirés
qu’il faille patauger avec d’affreuses pompes
dans de la noire boue que depuis quatre jours
on ne soit plus rasé ni lavé et que
le linge de corps fasse honte tant il pue
dire qu’il y a des gens qui passent leur vie
toute leur vie dans cet état comme cet homme
sa chemise son paletot ses souliers on
dirait qu’il y a un siècle qu’il dort avec
les yeux écarquillés il se dresse au milieu
de la rue comme pour supplier qu’on l’écrase
à condition toutefois qu’une autre vie
lui soit rendue et qu’il puisse recommencer
le jeu avec en main des cartes différentes
ou qu’on le couche enfin au flanc de la montagne
avec ceux qui dorment déjà et dont le corps
pourri est piétiné par le jeu des enfants
oui le soleil peut parfois montrer qu’il est là
la mer souriante nous dire un gai bonjour
les branches faire de leurs doigts de gracieux signes et
les pigeons roucouler en marchant sur les tuiles
En Orient
Editions Gallimard, 1986
Du même auteur :
Fellations (14/03/2015)
Trajet Namur- Charleville (13/03/2016)
Londres (26/03/2019)