Le Menhir
Gris de pierre
qui grandit là.
Silhouette grise, toi qui n’as
pas d’yeux, regard de pierre, avec lequel
la terre devant nous a surgi, humaine,
sur des chemins de bruyère obscure, ou blanche,
le soir, face
a toi, gouffre du ciel.
Du concubiné, brouetté jusqu’ici, s’abîmait
par-delà le dos du cœur. Moulin
de mer moulait.
Claire ailée tu pendais tôt matin
entre pierre et genêt,
petite phalène.
Noires, couleur
de phylactère (*), ainsi étiez-vous,
gousses, vous
aussi en prière.
(*) Lanières de cuir sombre que l’on enroule autour de front et du bras gauche
pour la prière du matin, dans la religion juive traditionnelle.
Traduit de l’allemand par Jean-Pierre Lefebvre
in, Paul Celan : « Choix de poèmes, réunis par l’auteur »
Editions Gallimard (Poésie), 1998
Du même auteur :
Fugue de mort / Todesfuge (01/12/2014)
Strette / Engfürhrung (01/12/2015)
Matière de Bretagne (01/12/2016)
« Voix... / Stimmen... » (01/12/2018)
Psaume / Psalm (01/12/2019)
Le Menhir
Wachsendes
Steingrau.
Graugestalt, augen-
loser du, Steinblick, mit dem uns
die Erde hervortrat, menschlich,
auf Dunkel-, auf Weissheidewegen,
abends, vor
dir, Himmelsschlucht.
Verkebstes, hierhergekarrt, sank
über den Herzrücken weg. Meer-
mühle mahlte.
Hellflüglig hingst du, früh,
zwischen Ginster und Stein,
kleine Phaläne.
Scwarz, phylakterien-
farben, so wart ihr,
ihr mit-
betenden Schoten.
Die Niemandsrose
Fischer Verlag, Frankfurt,1963
Poème précédent en allemand :
Wolfdietrich Schnurre : Message clandestin / Kassiber (28/11/2017)
Poème suivant en allemand :
Raoul Schrott : Du sublime III /Über das Erhabene III (01/01/2018)