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Le bar à poèmes
5 août 2017

Luis Mizón (1942 - 2022) : Vent du Sud / Viento Sur

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Vent du sud

1

Le vent apporte de nouveau

une poussière de voix théâtrales

des prières émanant des tavernes du Sud

des paroles volées dans des mariage de gens pauvres

des fleurs difformes

des échos domestiques

 

Et soudain il nous offre le silence

où parle un ami

à n’importe quel moment de la nuit

 

2

Viens sous l’ombre vert clair

écouter les pas absents

là où la vague efface sur l’asphalte

les pas absents.

Viens parmi les affiches du vent du Sud

et les pas absents.

Taches rouges ferraille toiles d’araignée

là où le soleil éclate

comme le cerveau d’un enfant

sur les pas absents.

 

3

Rire de marins morts

images incertaines

pas absents

gestes démesurés

copiant les arbres du Sud.

Enigmes.

 

L’ancêtre parle dans le rêve des enfants.

 

4

Ecoute le soleil pénétrant le miroir

quand l’eau murmure

polissant ses chevaux troyens

charriant des idoles sans nom.

Bateaux engloutis comme des églises

parmi les plus secrets fragments du rêve.

 

5

Ecoute l’ouragan amoureux :

costume de plumes noires

et collier de semence rouge.

Ecoute l’ouragan quand il travaille

lustrant de salive et de sable

son masque de cristal de roche.

 

6

Mendiant sage !

Voleur de livres !

Brise ton visage pour crier d’amour

pour serrer dans tes bras

un enfant un homme une femme

te mettre nu aimer

et finir par atteindre l’oxyde le plus ivre

er dormir entouré de cristaux qui murmurent !

 

7

Le philosophe en son ivresse

montrait aux enfants

des photos silencieuses de la mer

le spectre d’un arbre à forme de cheval

un fleuve souterrain

un journal de voyage

et le vent qui souffle vers des incendies invisibles.

 

8

Un rêve archaïque obsède mes mains.

Je pense au corps d’une femme

la suie dans la fissure de son sexe

le bruit des rêves :

énigmes du Sud

qu’un jour il faudra décrypter.

 

9

Cours envahies d’orties

d’armes et de voix dans les vitraux brisés à coups de pierre

eau et ombre

reflets de pavots dans le blé.

 

Presque tous les bateaux du port

portent un nom de femme.

 

Je me rappelle cet endroit où je ne suis jamais allé.

 

10

Le vent souffle vers des incendies invisibles

il apporte à la mémoire

une ville

un fragment de rocher

un masque surpris yeux ouverts

les voix brûlées des feuilles mortes :

ces cendres

qui bâtissent des villes irréelles

et des horizons concentriques

au Sud.

 

11

Je me souviens du mur taché d’un bar :

le dromadaire fume

le coca-cola calme la polyphonie de la lèpre

invisible

les athlètes et les motocyclettes japonaises

se transforment en fantômes

du ciel vert citron.

 

12

Une brisure au milieu du miroir

l’horizon inattendu d’une ruelle

un carrefour de courants magnétiques :

un volcan quotidien

plus libre qu’un fauve

et l’ouragan se déguise en enfant

pour jouer avec des glands avec des pommes

se baigner dans la mer avec un cheval

entendre le soleil dans les miroirs

flairer la solitude

des vielles photos

où les parents sont jeunes et anonymes.

 

13

Les génies de la plage

se disputent les vêtements des matelots morts

les femmes se déguisent en statue de sel

souriantes derrière des lunettes noires

et le vent fait tourner leurs voix

sur le temps détruit

du retour solaire

 

14

Ainsi la mémoire de la mer

sèche les vêtements des pauvres

le front des footballeurs

et des nouveaux mariés

où brûle la moitié de mon ombre

de papillon et de bandit

 

15

Mer et pierres racines et taudis

ce qui était accessibles est là

galaxie d’écumes et de brume

eau invisible

mémoire de la mer dans la ville

surgissant de grandes conques

enterrées sur les coteaux

 

16

Un déguisement de femme brûle dans le vent

l’amour habite la boue

de la maison en ruine

comme l’odeur du fumier

des bibliothèques

ou des éclairs.

 

17

Je pense que nous sommes à nouveau

une spirale qui murmure

sa luxure de voix minutieuses

et un visage de sable qui se désagrège.

 

Traduit de l’espagnol par Claude Couffon

In, « Luis Mizón. Poèmes du Sud et autres poèmes

Poema del Sur. Edition bilingue »

Editions Gallimard (Du monde entier), 1982

Du même auteur :

 Prisons / Prisiones (05/08/2014)

L’arbre / El árbol (05/08/2015)

Terre prochaine / Tierra próxima (05/08/2016)

Retour / Retorno (05/08/2018)

Arbre /Árbol (05/08/2019)

Fantôme / Fantasmas (05/08/2020)

La mer des Sargasses (extraits) (05/08/2021)

Le songe du figuier en flammes / El sueño de la higuera en llamas (I) (05/08/2022)

Le songe du figuier en flammes  / El sueño de la higuera en llamas (II-III)) (05/08/2023)

 

Viento Sur

1

El viento trae otra vez

un polvo de voces teatrales

plegarias de los bares del Sur

palabras robadas en las bodas de los pobres

flores retorcidas

eco domésticos.

 

Y de pronto nos regala el silencio

donde habla un amigo

en cualquier momento de la noche.

 

2

Ven bajo la sombra verde clara

a escuchar los pasos de nadie

allí donde la ola borra en el asfalto

los pasos ausentes.

Ven entre los afiches del viento Sur

y los pasos ausentes.

Manchas rojas hierros y telarañas

allí donde el sol estalla

Como el cerebro de un niño

sobre los pasos de nadie.

 

3

Risas de marineros muertos

imágenes inseguras

pasos de nadie

gestos desmedidos

imitados a los árboles del Sur.

Enigmas.

 

El antepasado habla en el sueño de los niños.

 

4

Escucha el sol entrando en el espejo

cuando el agua murmura

puliendo sus caballos troyanos

arrastrando ídolos sin nombre.

Barcos hundidos como iglesias

entre los más secretos pedazos del sueño.

 

5

Escucha el huracán enamorado :

traje de plumas negras

y collares de semilla roja.

Escuchas el huracán cuando trabaja

puliendo con saliva y con arena

su máscara de cristal de roca.

 

6

Mendigo sabio !

Ladrón de libros !

Rompe tu rostro para gritar de amor

abrazar un niño  un hombre una mujer

desnudarse y amar

hasta alcanzar el óxido más ebrio

y dormer rodeado de cristales que murmuran!

 

7

El filósofo borracho

mostraba a los niños

mudas fotografías del mar

el espectro de un árbol con forma de caballo

un río subterráneo

un diario de viaje

y el viento que sopla hacia incendios invisibles.

 

8

Un sueño arcaico obsesiona mis manos.

Pienso en el cuerpo de una mujer

el hollín  en la trizadura del sexo

el ruido de los sueños :

enigmas del Sur

que algún día habrá que resolver.

 

9

Patios inundados de ortigas

armas y voces en los vitrales apedreados

agua y sombra

reflejos de amapolas en el trigo.

 

Casi todos los barcos del puerto

tienen  nombre de mujer.

 

Recuerdo ese lugar donde nunca estuve.

 

10

El viento sopla hacia incendios invisibles

trasladando a la memoria

una ciudad

un pedazo de roca

una máscara sorprendida con los ojos abiertos

la voz quemada de las hojas secas :

esa ceniza

que levanta ciudades irreales

y hirizontes concéntricos

en el Sur

 

11

Me acuerdo del muro manchado de un bar :

el dromedario fuma.

La coca cola calma la polifonia de la lepra

invisibile.

Deportistas y motocicletas japonesas

se transforman en fantasmas

del cielo verde limón.

 

12

Una falla en el medio del espejo

el horizonte inesperado de una callejuela

una encrucijada de corrientes magnéticas :

un volcán  cotidiano

más libre que una fiera

y el huracán se disfraza de niño

para jugar con bellotas y manzanas

bañarse en el mar  con un caballo

escuchar el sol en los espejos

oler la soledad

de las viejas fotografías

donde los padres son jóvenes y anónimos.

 

13

Los genios de la playa

se disputan la ropa de los marineros muertos

las mujeres se disfrazan de estatuas de sal

sonriendo bajo sus anteojos negros

y el viento hace girar sus voces

sobre el tiempo destruido

del retornos solar

 

14

Así la memoria del mar

seca la ropa  de los pobres

la frente de los futbolistas

y de los recién casados

o quema la mitad de mi sombra

de mariposa y bandido.

 

15

Mar y piedra raíces y tugurios

lo que fue accesible está allí

galaxia de espuma y niebla

agua invisible

memoria del mar en la ciudad

surgiendo de grandes caracoles

enterrados en los cerros.

 

16

Un disfraz de mujer arde en el viento

el armor habita el barro

de la casa en ruinas

como el olor del estiércol

de las bibliotecas

a los relámpagos.

 

17

Y pienso que somo otra vez

una espiral que murmura

su lujuria de voces minuciosas

y un rostro de arena que se rompe.

Poème précédent en espagnol :

José Manuel Caballero Bonald : Un livre, un verre, rien / Un libro, un vaso, nada (10/07/2017)

Poème suivant en espagnol :

Pablo Neruda : Hauteurs de Macchu-Picchu / Alturas de Macchu-Picchu (02/11/2017)

 

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