Dis-moi, aube
Dis-moi, aube, ce que demain m’apportera. Quels seront les nouveaux
espaces arrachés à la banquise et à la forêt d’Amazonie ? Que sera le nombre
des tués et de ceux que leurs désirs séparent ?
Parle-moi de la paix et des guerres écrites dans les gènes depuis l’âge de
la glace jusqu’à l’errance parmi les galaxies. Est-il une sagesse dans les armes ?
Dans l’or de l’épée, dans l’explosion de l’atome ?
Aube, parle-moi de l’animal qui a peur de l’animal ; des requins rejetés dans
l’océan, nageoires amputées, flottant sur l’inertie des vagues.
Parle-moi des femmes enceintes assises sur le crépuscule dans l’attente du
miracle ; de leurs rêves qui voyagent avec le dernier rayon, s’y nourrissent et
frémissent.
Promets-moi, aube, que tu reviendras, en compagnie de l’amant et des lèvres
mouillées par les lèvres. Restitue son parfum au jardin quitté par ses senteurs.
Illumine son ciel et fais briller l’astre des mélancolies.
Aube, passage de la sève entre nuit et jour, raconte-moi la lumière qui
s’éparpillera sur les prairies. La prodigue lumière élargit les chemins, salue le
bonheur dans l’écume.
Quelqu’un te cueillera, aube, comme se cueille la rose, ou viendras-tu seule,
astre étranger, qui fend le firmament ?
Parle, aube… Que s’est-il passé ? Tu me regardes et ne dis rien.
Traduit de l’arabe par l’auteur
In, « Les Poètes de la Méditerranée. Anthologie »
Editions Gallimard / Culturesfrance (Poésie), 2010
Du même auteur :
Partir (11/07/2014)
Planète (11/07/2015)
« On tue pour manger… » (11/07/2016)