LXVII
Malgré le soir qui s’avance à pas lents et qui fait taire toutes
les chansons ;
Malgré le départ de tes compagnes et ta fatigue ;
Malgré la peur qui court dans les ténèbres ; malgré le ciel voilé ;
Oiseau, ô mon oiseau écoute-moi ; ne ferme pas tes ailes.
L’obscurité qui t’environne n’est pas celle des feuilles de la forêt ;
c’est la mer qui se gonfle comme un immense serpent noir.
Les fleurs du jasmin ne dansent pas devant toi ; c’est l’écume des
vagues qui étincelle.
Ah ! où est la rive verte et ensoleillée ? où est ton nid ?
Oiseau, ô mon oiseau écoute-moi ; ne ferme pas tes ailes.
La nuit solitaire s’étend sur le sentier ; l’aurore sommeille derrière
les collines pleines d’ombre ; les étoiles muettes comptent les heures ;
la lune pâlie baigne dans la nuit profonde.
Oiseau, ô mon oiseau écoute-moi, ne ferme pas tes ailes.
Pour toi il n’y a ni espoir ni crainte ; il n’y a pas de paroles, pas de
murmures, pas de cris.
Il n’y a ni abri, ni lit de repos…
Il n’y a que ta paire d’ailes et le ciel infini.
Oiseau, ô mon oiseau, écoute-moi : ne ferme pas tes ailes.
Traduit de l’anglais par Henriette Mirabaud-Thorens
In, Rabindranath Tagore : « Le Jardinier d’amour »
Editions de la Nouvelle Revue Française, 1919
Du même auteur :
« Le même fleuve de vie… » (24/11/2014)
« Frère, nul n’est éternel … » (23/04/2018)
« Poète, le soir approche ... » (23/04/2019)
Cygne (I – VI) (23/04/2020)
Cygne (VII – XII) (06/10/2020)
Cygne (XIII - XXVI) (23/04/2021)
Cygne (XXVII – XXXVII) (06/10/2021)
Cygne (XXXVIII – XLV) (23/04/2022)
Mes chants... » (23/04/2023)