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Le bar à poèmes
1 décembre 2016

Paul Celan (1920 – 1970 ) : Matière de Bretagne

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Matière de Bretagne

 

Lumière des genêts, jaune, les pentes

bavent du pus vers le ciel, l’épine

courtise la blessure, des cloches

y sonnent, c’est le soir, le néant

roule ses mers pour la prière,

la voile sang met cap sur toi.

 

Sec, asséché

derrière toi le lit, envahie de roseaux,

son heure, là-haut,

près de l’étoile, les rigoles

laiteuses de l’estran bavardent dans la vase, la datte de pierre

dessous, en touffe, bée dans la bleuité, un bouquet pérennant

de mortalité, beau,

salue ta mémoire.

 

(Me connaissiez-vous,

mains? j’ai suivi

le chemin fourché que vous indiquiez, ma bouche

crachait son cailloutis, j’allais, mon temps,

corniche de neige errante, projetait son ombre – m’avez-vous connu ?)

 

Mains, la plaie cour-

tisée d’épine, les cloches sonnent,

mains, le néant, les mers,

mains, dans la lumière des genêts, la

voile sang

met cap sur toi.

 

Toi

tu apprends

tu apprends à tes mains

tu apprends à tes mains, leur apprends

tu apprends à tes mains

                                        à dormir.

 

Traduit de l’allemand par Jean-Pierre Lefebvre

In, Paul Celan : « Choix de poèmes réunis par l’auteur »

Editions Gallimard, 1998

Du même auteur :

Fugue de mort / Todesfuge (01/12/2014)

Strette / Engfürhrung (01/12/2015)

Le Menhir (01/12/2017)

« Voix... / Stimmen... » (01/12/2018)

Psaume / Psalm (01/12/2019)

Eloge du lointain / Lob der Ferne  (01/12/2020)

« La nuit, quand le pendule de l’amour... » / « Nachts, wenn das Pendel der Liebe... » (01/12/2021) 

« Dans la matière des anges... » (01/12/2023)

 

Matière de Bretagne

 

Ginsterlich, gelb, die Hänge

eitern gen Himmel, der Dorn

wirbt um die Wunde, es läutet

darin, es ist Abend, das Nichts

rollt seine Meere zur Andacht,

das Blutsegel hält auf dich zu.

 

Trocken, verlandet

das Bett hinter dir, verschilft

seine Stunde, oben,

beim Stern, die milchigen

Priele schwatzen im Schlamm, Steindattel,

unten, gebuscht, klafft ins Gebläu, eine Staude

Vergänglichkeit, schön,

grüsst dein Gedächtnis.

 

(Kanntet ihr mich,

Hände? Ich ging

den gegabelten Weg, den ihr weisst, mein Mund

spie seinen Schotter, ich ging, meine Zeit,

wandernde Wächte, warf ihren Schatten - kanntet ihr

             mich?)

 

Hände, die dorn-

umworbene Wunde, es läutet,

Hände, das Nichts, seine Meere,

Hände, im Ginsterlicht, das

Blutsegel

hält auf dich zu.

 

Du

du lehrst

du lehrst deine Hände

du lehrst deine Hände du lehrst

du lehrst deine Hände

                                    schlafen.

 

Revue « Akzente, Février 1958 »

Carl Hanser Verlag, Munich (Allemagne), 1958

Poème précédant en allemand :

Wolfdietrich Schnurre : Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (II) (28/11/2016)

Poéme suivant en allemand :

Raoul Schrott (1964 - ) :Une histoire de l’écriture III / Eine Geschichte der Schrift III (01/01/2017)

 

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