Depuis l’aube en silence, la pluie lavait le pavé
de la ville. Quand même, vitrines sales de désillusion,
carreaux cassés. Aucun mot ne pouvait plus dire l’exil
des oiseaux lointains des arbres. Et la tristesse, du haut
des toits, qui tirait à bout portant ! Partout dans les
rues passagères. C’était encore un dimanche ; une fois de
plus et comme tous les jours ; bien entendu.
- Si c’est cela vivre… dit quelqu’un qui passait
parlant pour soi-même.
Maintenant je le connais trop ce pays où pour se laver
les mains on prend de la terre. Contre l’étreinte de la
froidure tu fais brûler des cailloux. Et pour être
écouté : parler faux ou chanter vide, mais tenant par la
main toute l’inutilité des flaques d’eau et de la boue
sur les trottoirs. Eloge de la saleté.
- Alors se tuer ; ou apprendre à mourir…
Ne voulant plus être mêlé à tous les mensonges du matin
moi je suis parti écrire d’Ailleurs des mots en trop pour
me mettre en tort. Légitimité du désespoir.
Aujourd’hui pourtant, la contre-offensive de la Nuit
semble engagée. Déjà recule du jour, fragilité de l’été.
Les aboyeurs de l’aube eux-mêmes maintenant mar-
quent le pas. Ainsi il suffirait d’un rien. Sous la pluie
que le vent se lève. Qu’il y ait quelque part quelqu’Un
peut-être.
- Mais que te faudra-t-il vaincre, toi, et de si menaçant,
pour Oser enfin.
Des mots pour dire les choses
In, Revue « Vagabondages, N°28-29, Mars-Avril 1981 »
Association Paris – poète
Atelier Marcel Jullian, 1981
Du même auteur : Saboter l’aube (07/07/2015)