image_thumb_28__thumb_6__1_En uniforme de lycéen, en 1862

 

Epitaphe

 

     Sauf les amoureux commençans ou finis qui veulent commencer par la fin il y a tant de choses qui finissent par le commencement que le commencement commence à finir par être la  fin la fin en sera que les amoureuxet autres finiront par commencer à recommencer par ce commencement qui aura fini par n’être que la fin retournée ce qui commencera par être égal à l’éternité qui n’a  ni fin ni commencement et finira par être aussi finalement égal à la rotation de  la terre  où l’on aura fini par ne distinguer plus où commence la fin d’où finit le commencement ce qui est toute fin de tout commencement égale à tout commencement de toute fin ce qui est le commencement  final  de l’infini défini par l’indéfini – Egale une épitaphe égale une préface  et  réciproquement                                                                                                          Sagesse des nations

 

Il se tua d’ardeur, ou mourut de paresse.

S’il vit, c’est par oubli ; voici ce qu’il se laisse : 

 

— Son seul regret fut de n’être pas sa maîtresse. — 

 

               Il ne naquit par aucun bout,

               Fut toujours poussé vent-de-bout,

               Et fut un arlequin-ragoût, 

               Mélange adultère de tout. 

 

               Du je-ne-sais-quoi. — Mais ne sachant où ;

               De l’or, — mais avec pas le sou ;

               Des nerfs, — sans nerf. Vigueur sans force ;

               De l’élan, — avec une entorse ;

               De l’âme, — et pas de violon ;

               De l’amour, — mais pire étalon.

               — Trop de noms pour avoir un nom. —

 

 

               Coureur d’idéal, — sans idée ;

               Rime riche, — et jamais rimée ;

               Sans avoir été, — revenu ;

               Se retrouvant partout perdu. 

 

               Poète, en dépit de ses vers ;

               Artiste sans art, — à l’envers,

               Philosophe, — à tort à travers. 

 

               Un drôle sérieux, — pas drôle.

               Acteur, il ne sut pas son rôle ;

                Peintre : il jouait de la musette ;

               Et musicien : de la palette. 

 

               Une tête ! — mais pas de tête ;

              Trop fou pour savoir être bête ;

               Prenant pour un trait le mot très.

               — Ses vers faux furent ses seuls vrais. 

 

               Oiseau rare — et de pacotille ;

               Très mâle … et quelquefois très fille ;

               Capable de tout, — bon à rien ;

               Gâchant bien le mal, mal le bien.

               Prodigue comme était l’enfant

               Du Testament, — sans testament.

               Brave, et souvent, par peur du plat,

               Mettant ses deux pieds dans le plat. 

 

               Coloriste enragé, — mais blême ;

               Incompris… — surtout de lui-même ;

               Il pleura, chanta juste faux ; 

               — Et fut un défaut sans défauts. 

 

               Ne fut quelqu’un, ni quelque chose

               Son naturel était la pose.

 

               Pas poseur, — posant pour l’unique ;

               Trop naïf, étant trop cynique ;

               Ne croyant à rien, croyant tout.

               — Son goût était dans le dégoût.

 

 

               Trop crû, — parce qu’il fut trop cuit,

               Ressemblant à rien moins qu’à lui,

               Il s’amusa de son ennui,

               Jusqu’à s’en réveiller la nuit.

               Flâneur au large, — à la dérive,

               Épave qui jamais n’arrive…. 

 

               Trop Soi pour se pouvoir souffrir,

               L’esprit à sec et la tête ivre,

               Fini, mais ne sachant finir,

               Il mourut en s’attendant vivre

               Et vécut, s’attendant mourir. 

 

               Ci-gît, — cœur sans cœur, mal planté,

               Trop réussi — comme raté. 

 

Les Amours jaunes

Glady frères, éditeurs, 1873

Du même auteur :

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