Le grand diseur évoque ceux qui passèrent
Une autre beauté…
Donnez-moi la dimension,
l’éclat
l’œil brillant d’obsidienne
dans la flamme noire du rêve.
Donnez-moi la croyance,
la foi, les tendres miels,
l’espoir de rassembler en cet endroit
ceux qui passèrent avant moi…
Une autre prouesse…
Donnez-moi l’infortune,
le ciseau, la chaîne…
Ouvert chacun des pores de mon sang,
je reviendrai sur mes pas à travers les cryptes
du silence, j’atteindrai l’origine,
la première trouvaille,
la plume du quetzal,
les peintures,
les substances bleues,
le carmin de crustacé,
le sel blanc
et l’effroi du sable…
Une autre paresse…
Donnez-moi le loisir avec des yeux,
et l’ouïe et l’odorat et un toucher nouveau,
donnez-moi l’élément matériel, la musique,
la danse, les parfums,
les plumes et les filles
couleur de cacao,
la rédaction du rêve,
le livre des bombax
et la course aquatique
de l’ancienne écriture
dans la profondeur des écorces
et sur la douceur des tablettes…
Donnez-moi la splendeur, le loisir, la beauté,
la terre que l’on mange pour prêter serment :
Je franchirai le seuil de l’origine,
la porte du copal, les chevelures,
et mes pieds sans grelots suivront
ceux qui passèrent avant moi,
mes traces dans leurs traces,
avec éteintes et fumantes
les torches de bois qui flambèrent.
Traduit de l’espagnol par Claude Couffon
In, « Le Grand Diseur, suivi de Exercices poétiques en forme
de sonnets sur des thèmes d’Horace »
Editeurs français réunis (Petite sirène), 1975
Du même auteur :
Marimba jouée par les indiens / Marimba tocada por indios (06/05/2017)
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