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Le bar à poèmes
20 avril 2016

José Luis Rivas (1950 - ) : Une rivière

Curso-creación-literaria-1[1]

 

Une rivière

 

Du haut du rocher

les enfants versent leurs semences.

Près de la rive

des poissons–lune vif-argent se poursuivent, violents

à l’ombre d’un crâne assoupi :

seule leur peau lustrale s’offre fraîche

au midi

qu’immolent de leurs éclats

l’absence de la brise et le battement calme des vagues.

Aucun bateau à moteur ne vogue à cette heure

Etendue à son aise comme un fleuve parallèle…

 

La chasse aux acamayas cachés sous les pierres

occupe les plus petits

qui s’agenouillent avec précaution dans la boue verte.

 

Dans les tuyaux d’asbeste du déversoir

des écrevisses pressées entassent leurs excréments.

Toi tu t’approches du quai,

tu montes sur le vieux pont de bois

qui grince

tu te rappelles la crue d’il y a un an

quand la vieille bouteille de la brasserie

- pourtant si haute –

a été recouverte par la vase.

Sur la berge des constructions

conservent leur patine jaunâtre.

Et ton sein s’enflamme parfois

d’un orgueil cruel

comme celui de la frégate en rut.

 

C’est ton village, celui de toujours, près de la vaste rivière.

Une goutte de sueur roule sur ton front

et s’évapore avant de frôler l’eau.

Toi, de la balustrade,

tu sais qu’un sort identique filait

une larme, et tu la retiens,

comme on éteint la lampe

en s’accoudant à la fenêtre

pour voir comment pleuvent, dans la nuit, les étoiles filantes.

 

Traduit de l’espagnol par Christine Balta,

In, « Un siècle de poésie mexicaine. Anthologie

Editions Ecrits des Forges / Le Castor Astral, 1989 et 2009

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