José Luis Rivas (1950 - ) : Une rivière
Une rivière
Du haut du rocher
les enfants versent leurs semences.
Près de la rive
des poissons–lune vif-argent se poursuivent, violents
à l’ombre d’un crâne assoupi :
seule leur peau lustrale s’offre fraîche
au midi
qu’immolent de leurs éclats
l’absence de la brise et le battement calme des vagues.
Aucun bateau à moteur ne vogue à cette heure
Etendue à son aise comme un fleuve parallèle…
La chasse aux acamayas cachés sous les pierres
occupe les plus petits
qui s’agenouillent avec précaution dans la boue verte.
Dans les tuyaux d’asbeste du déversoir
des écrevisses pressées entassent leurs excréments.
Toi tu t’approches du quai,
tu montes sur le vieux pont de bois
qui grince
tu te rappelles la crue d’il y a un an
quand la vieille bouteille de la brasserie
- pourtant si haute –
a été recouverte par la vase.
Sur la berge des constructions
conservent leur patine jaunâtre.
Et ton sein s’enflamme parfois
d’un orgueil cruel
comme celui de la frégate en rut.
C’est ton village, celui de toujours, près de la vaste rivière.
Une goutte de sueur roule sur ton front
et s’évapore avant de frôler l’eau.
Toi, de la balustrade,
tu sais qu’un sort identique filait
une larme, et tu la retiens,
comme on éteint la lampe
en s’accoudant à la fenêtre
pour voir comment pleuvent, dans la nuit, les étoiles filantes.
Traduit de l’espagnol par Christine Balta,
In, « Un siècle de poésie mexicaine. Anthologie
Editions Ecrits des Forges / Le Castor Astral, 1989 et 2009