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Le bar à poèmes
6 février 2016

Emile Verhaeren (1855 – 1916) : Le vent

49220694[1]

 

Le vent

 

Sur la bruyère longue infiniment,

Voici le vent cornant Novembre,

Sur la bruyère, infiniment,

           Voici le vent,

Qui se déchire et se démembre,

En souffles lourds, battant les bourgs, 

           Voici le vent,

Le vent sauvage de Novembre.

 

 

     Aux puits des fermes,

Les seaux de fer et les poulies 

               Grincent.

     Aux citernes des fermes,

     Les seaux et les poulies

           Grincent et crient

Toute la mort dans leurs mélancolies.

 

 

Le vent rafle, le long de l'eau,

Les feuilles vertes des bouleaux,

Le vent sauvage de Novembre;

     Le vent mord dans les branches 

           Des nids d'oiseaux;

           Le vent râpe du fer,

Et peigne au loin les avalanches, 

          Rageusement, le vent,

Le vent sauvage de Novembre.

 

 

Dans les étables lamentables,

Les lucarnes rapiécées

Ballottent leurs loques falotes

      De vitre et de papier.

- Le vent sauvage de Novembre ! -

Sur sa butte de gazon bistre,

De bas en haut, à travers airs,

De haut en bas, à coups d'éclairs,

Le moulin noir fauche, sinistre,

Le moulin noir fauche le vent,

                   Le vent,

Le vent sauvage de Novembre.

 

Les vieux chaumes à croupetons,

Autour de leurs clochers d'église,

Sont soulevés sur leurs bâtons ;

Les vieux chaumes et leurs auvents

          Claquent au vent,

Au vent sauvage de Novembre.

Les croix du cimetière étroit,

Les bras des morts que sont ces croix,

    Tombent, comme un grand vol,

Rabattu noir, contre le sol.

 

Le vent sauvage de Novembre,

               Le vent,

L'avez-vous rencontré, le vent,

Au carrefour des trois cents routes,

Criant de froid, soufflant d'ahan,

L'avez-vous rencontré, le vent,

Celui des peurs et des déroutes ;

L'avez-vous vu, cette nuit-là,

Quand il jeta la lune à bas,

     Et que, n'en pouvant plus,

Tous les villages vermoulus

     Criaient, comme des bêtes,

     Sous la tempête ?

 

Sur la bruyère, infiniment,

      Voici le vent hurlant,

Voici le vent cornant Novembre.

 

 

Les villages illusoires,  

Chez Edmond Deman, libraire, Bruxelles (Belgique), 1895

 

Du même auteur :

« Dès le matin... » (05/05/2017)

La folie (14/05/2018)

La pluie (03/09/2019)

Fleur fatale (03/10/2020) 

Les plaines (03/10/2021)

Le départ (03/10/2022)

La neige (03/10/2023)

 

 

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