Laile sous lécrit
un jour
la bouche est devenue obscure
la langue re
muait
maintenant la vie n’est plus chaude
je cherche mes mains
et dans mes mains le pouce
originel
le temps est de la terre
autour des os du monde
et notre mort épaissit cette chair
opaque
on creuse pour se souvenir
l’air noircit
puis c’est du vent
le vent est la langue
qui remue la langue
elle a racine en l’air
pourquoi
pourquoi l’air qui n’est pas visible
ressemble-t-il au visible
et pourquoi nos yeux s’y boivent-ils eux-mêmes
il y a la nuit
il y a la main sur la bouche
tout ce qui couvre est pareil
impose même deuil
les lèvres jettent nos paroles
une pierre tombe de moins haut
on oublie
et quand on ne sait plus ce que l’on sait
la vie est à l’aise
un peu d’est-ce moi
rend la tempe douce
sous qui ai-je souffert
les os ont tout leur temps
le nom aussi
on dit que ce qui est écrit cache
la chose qui voulait l’être
c’est faire du mystère à peu de frais
il n’y a de mystérieux que le venir
et qu’il batte de l’aile sous l’écrit
et non pas au-dessus
les dieux d’autrefois se sont trompés
s’ils avaient aimé l’en-dessous
ils vivaient
on peut imaginer tout
sauf un premier jour
et pourtant l’eau fraîche vient d’en bas
regarde les yeux de ton père
le corps pense avec ses mains
il fabrique de la tête peu à peu
et la mort
ouvre sa porte
dans la bouche même
je ne tiens pas tellement à moi
mais qui peut faire l’autre
on dit que les jours s’en vont
alors qu’ils viennent
nous sommes l’avenir du temps
nous le sommes
à condition d'être l'autre
comment disperser le cercle
la moelle de l’homme s’enferme
devient centrale
et le centre attire la mort
le silence n’a pas de centre
il est le plein et le vide
l’écoute du commencement sans fin
alors tous les siècles sont aujourd’hui
et la vieille blessure
écarte ses lèvres pour rire
dis-moi
est-ce en nous l’inconnu qui cherche un nom
ou bien le nom qui cherche l’inconnu
pour que le ciel cache la terre
un peu d’eau suffit
illusion
c’est en nous-même
que l’autre nous attend
il faut éplucher le visage
à coups de qui
le nom est un labyrinthe
et l’oubli sa bête
parfois mon crâne a un fond
la réalité y jette quelques sous
et le souviens-toi qui tinte
est un bris de vitre
mais à quelle fenêtre
je voudrais citer tous les livres
la citation est un plat froid
et moi
voyant tout à coup ma table
mon papier
ma main
je vois quelque chose
et les trois qui composent la chose
ne la sont pas
ce qui existe
ressemble à ce qui le fait exister
un peu de non-pensée suffit
à refléter le ciel d’en bas
un poète parle d'une chair de poule
qui part du coeur pour atteindre la peau
ma main
mon papier
ma table
qu’ai-je pensé
qui déjà enlevait la peau de mon visage
parfois tout se tient
sauf moi
et ce défaut suffit à donner lieu
Orange Export LTD, éditeur
92240,Malakokk, 1977
Du même auteur :
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