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Le bar à poèmes
20 décembre 2015

Giacomo Leopardi (1798 – 1837) : Le coucher de la lune / Il tramonto della luna

giacomo-leopardi[1]

 

Le coucher de la lune

     Telle dans la nuit déserte,

Sur les campagnes argentées, sur les eaux,

Là où flotte la brise,

Où font jouer les ombres lointaines

Mille formes indécises,

Mille choses trompeuses,

Parmi les ondes calmes

Et les bocages, les collines, les fermes ;

Touchant aux confins du ciel,

Derrière l’Apennin, les Alpes, ou dans le sein

Immense de la mer Tyrrhénienne

Descend la lune, et le monde s’éteint ;

S’enfuient les ombres, et une seule

Obscurité voile les cimes et la vallée.

Aveugle demeure la nuit,

Et chantant un chant de nostalgie,

Le charretier salue la dernière blancheur

De la lueur fuyante

Qui lui était avant guide sur sa route ;

 

     Telle se défait

La jeunesse, elle abandonne ainsi

L’âge mortel. Fuyantes

S’en vont les ombres et les formes

Des chères illusions, s’évanouissent

Les espérances lointaines

Où se repose la nature mortelle.

Obscure, abandonnée

Reste la vie. Plongeant en elle son regard,

Eperdu, le voyageur cherche en vain

Le but ou la raison du long chemin

Qu’il pressent devant lui, et découvre

Qu’à lui cette demeure est étrangère

Comme lui l’est désormais pour elle.

 

     Trop heureux ou trop gai

Notre sort misérable

Aurait paru là-haut si la jeunesse,

Où chaque bien de mille peines est le fruit,

Avait duré tout le cours de la vie,

Et trop douce la loi

Qui gouverne la mort des vivants,

Si ne la précédait encore

La moitié du chemin,

bien plus dure que la terrible mort.

Digne invention

D’esprits immortels, comble

De tous les maux, les Eternels ont découvert

La vieillesse  où fut indemne

Le désir, éteinte l’espérance

Sèches les sources du plaisir, et les peines

Toujours plus grandes, et le bien refusé.

 

     Vous, collines et plages,

Passée la splendeur qui vers l’occident

Argentait le voile de la nuit,

Vous ne resterez pas orphelines

Longtemps encore : à l’opposé bientôt

Vous pourrez voir le ciel

Blanchir une nouvelle fois, et sourdre l’aube ;

Et le soleil, en la suivant alors,

Fulgurant à l’entour

De ses flammes puissantes,

Inondera de torrents lumineux

Vous-mêmes et les champs de l’éther.

Mais cette vie mortelle, quand la belle

Jeunesse a disparu, jamais ne se colore

Ou d’une autre lumière ou d’une aube nouvelle.

Elle est veuve jusqu’au terme, et à la nuit

Qui obscurcit les autres âges

Les dieux ont mis pour signe le tombeau.

 

Traduit de l’italien par Michel Orcel

Revue « Vagabondages, N° 28-29, Mars/Avril 1981 »

Association « Paris-poète », Atelier Marcel Jullian, 1981

Du même auteur :

A Sylvia / A Silvia (30/12/2014)

Le soir du jour de fête /La sera del dì di festa (20/12/2016)

L’Infini / L’Infinito (20/12/2017)

A soi-même /A se stesso (20/12/2018)

Les souvenirs / Le ricordanze (20/12/2019) 

A la lune / Alla luna (20/12/2020)

Le passereau solitaire / Il passero solitario (20/12/2022)

Le calme après l’orage / La quiete dopo la tempesta (20/12/2023)

 

 

Il tramonto della luna

 

 

     Quale in notte solinga,

Sovra campagne inargentate ed acque,

Là 've zefiro aleggia,

E mille vaghi aspetti

E ingannevoli obbietti

Fingon l'ombre lontane

Infra l'onde tranquille

E rami e siepi e collinette e ville;

Giunta al confin del cielo,

Dietro Apennino od Alpe, o del Tirreno

Nell'infinito seno

Scende la luna; e si scolora il mondo;

Spariscon l'ombre, ed una

Oscurità la valle e il monte imbruna;

Orba la notte resta,

E cantando, con mesta melodia,

L'estremo albor della fuggente luce,

Che dianzi gli fu duce,

Saluta il carrettier dalla sua via;

 

 

 

     Tal si dilegua, e tale

Lascia l'età mortale

La giovinezza. In fuga

Van l'ombre e le sembianze

Dei dilettosi inganni; e vengon meno

Le lontane speranze,

Ove s'appoggia la mortal natura.

Abbandonata, oscura

Resta la vita. In lei porgendo il guardo,

Cerca il confuso viatore invano

Del cammin lungo che avanzar si sente

Meta o ragione; e vede

Che a se l'umana sede,

Esso a lei veramente è fatto estrano.

 

 

 

     Troppo felice e lieta

Nostra misera sorte

Parve lassù, se il giovanile stato,

Dove ogni ben di mille pene è frutto,

Durasse tutto della vita il corso.

Troppo mite decreto

Quel che sentenzia ogni animale a morte,

S'anco mezza la via

Lor non si desse in pria

Della terribil morte assai più dura.

D'intelletti immortali

Degno trovato, estremo

Di tutti i mali, ritrovàr gli eterni

La vecchiezza, ove fosse

Incolume il desio, la speme estinta,

Secche le fonti del piacer, le pene

Maggiori sempre, e non più dato il bene.

 

 

     Voi, collinette e piagge,

Caduto lo splendor che all'occidente

Inargentava della notte il velo,

Orfane ancor gran tempo

Non resterete; che dall'altra parte

Tosto vedrete il cielo

Imbiancar novamente, e sorger l'alba:

Alla qual poscia seguitando il sole,

E folgorando intorno

Con sue fiamme possenti,

Di lucidi torrenti

Inonderà con voi gli eterei campi.

Ma la vita mortal, poi che la bella

Giovinezza sparì, non si colora

D'altra luce giammai, nè d'altra aurora.

Vedova è insino al fine; ed alla notte

Che l'altre etadi oscura,

Segno poser gli Dei la sepoltura. 

 1837

 

Canti

 

Felice Le Monnier editore, Firenze, 1845

 

 

Poème précédent en italien :

IsabellaLeardini  : La colocataire aux pieds nus /La coinquilina scalza (18/09/2015)

 Poème suivant en Italien :

Michel-Ange / Michelangelo Buonarotti: « A travailler tordu… » / « I’ ho già fatto un gozzo… » (08/01/2016)

 

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