Ne variatur
Ou l’avant-dernière lettre d’Ephèse
L’âge
le prend.
Il ne sait
désormais
de quoi demain sera
fait
ni même
si demain
sera.
« Temps d’aimer
et d’être aimé
encore »
d’exister
un peu
à la limite de l’être
aux marges
du grimoire
à la lisière
du bois noir
où rugissent
les derniers songes
« Instant suspendu
qui
sur la ligne véloce du temps
s’éternise
quelques secondes
avant de basculer inexorablement
dans
l’irréversible
Arrêt cabré
déséquilibré
déjà
battement désespéré des bras
danse de mort
juste avant
la plongée
vertigineuse
plus chute qu’avancée
vers
l’improbable
demain »
Dernier regard
sur
les mots
fuyants jalons
de
l’itinéraire qui s’achève
avant que ne s’insinuent
entre l’œil
et la
vie
les premières brumes du crépuscule
« Voici enfin
mi-chien
mi-loup
l’heure sublime et douce-amère
où la parole s’interroge
s’apaise
et
pure
se dissout »
Ne restera
bientôt
de son furtif passage
sur la planète
déjà
morte
que cette offrande
dérisoire
envoi de signes
envoi de feuilles
brèves fractures du silence
phrases brisées
balbutiées
provisoirement définitives
jusqu’à trouver
dans la mémoire
leur lieu définitivement provisoire
et c’est
très bien
ainsi
« A Babel
le vin coulait noir dans les crânes
et lorsque je voulus braire
ma langue devint bout de bois rugueux
sur la gencive
violette
du délire »
Transcendante autant que futile
mais illusoire infiniment
l’écriture seule ne peut
désormais
nous tenir
vivants
(Nous comprenons enfin
que le dieu est silence
et sa face
néant)
*
L’âge
me prend.
Je ne sais
aujhourd’hui
de quoi
demain
sera fait
ni même
si demain
sera.
In, « La revue des archers, N° 8 »
Éditions Titanic-Toursky, Marseille, 2005
Du même auteur :
La sourde oreille (17/10/2014)
Le combat avec l’ange (17/10/2016)
Mourir dans l’île (17/10/2017)
Mort du sultan des Asphodèles (17/10/2018)
Luberons (17/10/2019)
Jardin (17/10/2020)