Croyant nommer
Cet arbre. Un autre.
Il rame encore parmi les eaux désertes
du regard.
Insinuant une plaine plus grave
mais qui s’est divertie
Statues inhabitées.
Je ne sais plus les gestes immobiles
qui rappellent la mer.
* * * * *
Armure du matin.
Je ne sors plus
de moi. Je traverse
mes lèvres
sans voir que le soleil
déchire l’air
les murs.
J’invente des couloirs
où le froid s’accumule
courbe
jusqu’à ce cri.
* * * * *
à chaque pierre
dans l’éclat
inanimé du jour
la terre découvrant à nu chaque désastre.
Tout fut obscur. Longtemps
la tourbe des journées
pourrit contre le mur immense
l’immobile.
L’ordre
naissait de l’ordre. Le soleil
accoutumait les choses mortes à leurs
mesures.
L’assaut, depuis. La longue déchirure.
* * * * *
Sables. Silences gris. Air
sans un souffle d’air
qui le soulève.
Si j’avançais
un peu deciel, sans doute –
O Table de la mer
qui bouge
prends pitié
* * * * *
Tout ce qui fut tracé
sur les terres anciennes par des mains
demeure
mêmes clos de pierres
mortes.
Non le sillage successif des feuilles.
L’arbitraire du vent gouverne
- mais un seul jour.
Arbre
dans les calculs de la nécessité
il tournera longtemps les meules
noires du savoir
sans goûter à son grain
multiple.
Mais pour nous
l’être se donne avec mesure dans
les choses
et les dissipe
quand nos corps ont connu le désir.
Reviens pourtant
plus tard que nous
dans nos langages façonnés
(sans fin)
comme la soif habite l’eau.
* * * * *
Droite
et contre le ciel cette saveur des choses
concertée.
Tu parlais
de promesses folles que les dieux
firent au premier jour.
Semailles.
Puis le vent –
Restait à l’homme
de saisir par le mortier des mots
l’ombre dont il hérite.
L’homme
qui ne connaît de l’homme
qu’un poids d’os.
Visages érodés.
Sillons.
Leur travail dans le temps
a fait lever cette herbe qui les rassemble.
* * * * *
Septembre avec les mots.
J’habite la chaleur à grandes marches.
Sans sortir du soleil, sans
gestes.
L’été s’enfonce dans les jarres.
Vigne probable
encore.
J’ai le savoir de l’amandier pour moi.
Je le disperse.
* * * * *
Les graines sont tombées.
Tout
le travail du jour
repose maintenant
sur quelques morts.
Un goût de cuivre
monte vers les lèvres.
Pouvoir
porter le temps
un peu plus loin.
Croyant nommer,
Editions Galanis, 1971
Du même auteur :
«Quand on a souffert trop longtemps… » (10/06/2014)
« Dans le vide qui vient… » (12/03/2018)
« Cette femme ... » (13/09/2019)